Association ethnographique

Mois : août 2021

Une très belle évocation pour le centenaire de la Font del Gat de Perpignan

Ces vendredi 20 et samedi 21 août, le Temps du Costume Roussillonnais a fêté le centenaire de la Font del Gat de Perpignan, emblématique guinguette et fabrique des limonades du même nom. Quelques images de ce superbe événement !

Conférence de Sylvain Chevauché au Dali Hôtel.
Plus de 60 personnes étaient réunies pour suivre la conférence.
Une partie de l’exposition de peintures du Roussillon des années 20 et 30.
Inauguration de l’exposition avec les élus.
Le bal catalan avec la cobla Mil.lenaria
Une partie des personnes costumées pour l’occasion.
Visite guidée du quartier Art déco par Philippe Latger

La Font del Gat de Perpignan : une histoire retrouvée…

« La Font del Gat » fut, de sa création en 1921 à sa fermeture en 1962, un café emblématique du Perpignan des Années folles et de l’après-guerre.

Il fut fondé par Justin Patrouix, qui exerçait depuis 1890 à Perpignan comme fabricant de boissons gazeuses. Il vient s’établir au cœur du nouveau quartier des Platanes tout juste créé par la destruction des remparts de la ville : au n°18 du boulevard Jean Bourrat, à l’emplacement de ce qui fut par la suite le « Park Hôtel – Restaurant Le Chapon Fin » et aujourd’hui l’hôtel « Campanile Perpignan Centre ».

Ce quartier devint rapidement un lieu de sociabilité. Le square était le siège de rallyes automobiles, le rendez-vous de promenade des familles et de amourettes des jeunes gens. Naturellement, « La Font del Gat » s’imposa comme rendez-vous naturel de ces divers publics. Un « club bouliste de La Font del Gat » fut même créé pour accompagner ces réjouissances.

Le rendez-vous des artistes : Les frères et sœurs Bausil (la maison du peintre Louis était située immédiatement au-dessus des escaliers monumentaux de la place Molière) y prirent leurs habitudes. Se jouèrent ainsi les premiers chapitres de la relation d’Albert Bausil avec le jeune Charles Trénet, qu’il initia à l’art et à la poésie. Charles Trénet restera toujours fidèle à cette adresse. Ici aussi le peintre André Fons-Godail, fidèle ami de la famille Patrouix, avait pension complète. Ce fut en son honneur que Trénet composa l’une de ses chansons les plus méconnues : « Fons-Godail ». Le peintre immortalisa d’ailleurs les abords de l’établissement et tous les abords du square jusqu’au hameau de Château-Roussillon.

Haut lieu de la Résistance : Pendant la Seconde guerre mondiale, sous la houlette d’Antoine et Madeleine Patrouix, figures actives du réseau « Bourgogne » aux côtés de Jean Olibo, « La Font del Gat » fut un des hauts lieux de la résistance perpignanaise : alors qu’au café rien ne transparaissait et que, parfois, des Allemands pouvaient être servis au comptoir, dans les chambres de l’hôtel était caché le Grand Rabbin de Hongrie et, dans les caves, des pilotes américains.

En 1954, le jeune fils de la famille, Fernand Patrouix, élève des Beaux-Arts de Paris, réalisa avec son camarade Henri Van Moë, dans la salle de l’établissement, une grande fresque consacrée au Roussillon et à ses coutumes : on y voyait des Catalans buvant au porró, un ermite et sa capelleta, des jeunes gens à baratine et à coiffe catalane dansant la sardane, sur un fond où se détachait le clocher de Saint-Jacques et le Castillet. Cette fresque a malheureusement disparu avec l’ancien bâtiment après la fermeture en 1962.

Le Temps du Costume Roussillonnais vient de ranimer les 20 et 21 aout 2021 le souvenir de ce lieu important pour la mémoire des Perpignanais.

La Catalane à la Fontaine

La Catalane se dirige vers la fontaine qui, à une faible distance du bourg, jaillit des rochers dans un bassin moussu.

En chacune de ses mains elle tient une cruche d’argile rouge aux flancs d’amphore dont le pourtour de l’anse, les goulots vernissés luisent ainsi que des miroirs et reflètent les tons du ciel.

La catalane est jeune, fraîche comme la tramontane, noble dans son allure, involontairement, naturellement. Sous son costume se devinent les lignes sculpturales de son corps. Sa marche légèrement cadencée rappelle la canéphore antique.

Elle est belle dans la simplicité de son corsage évasé sur un cou fort et halé. Les pointes de ses seins semblent vouloir crever l’étoffe trop ajustée qui dessine les formes de son buste, en révèle les contours exacts et harmonieux.

Sous sa robe à rayures recouverte d’un tablier de percale noire semée de minuscules pâquerettes son ventre bombe imperceptiblement. Elle a les lèvres rouges, juteuses, tentantes à l’égal d’un fruit mur durant l’été, des pommettes un peu saillantes, la face un peu large signe caractéristique de la race, le nez délicat, les narines fines, mobiles, la teinte de ses prunelles est comparable à celle des grenaches banyulencs, des malvoisies que produisent les territoires de Cases de Pène et d’Estagel.

Sur son front frisent les cheveux châtains en festons soigneusement ajustés et qui accompagnent si bien l’escoffion de dentelle, le bonnet coquet prêt, dirait-on, à s’envoler au moindre souffle.

Ah ! Comme ses pieds chaussés d’espadrilles aux dessins multicolores et vifs, dont les tresses bleues s’entortillent autour des chevilles, martèlent vigoureusement le sol ! Elle rit, sans savoir pourquoi, peut-être, d’un rire roucoulant, qui a quelque chose du glouglou d’un ruisselet, d’un rire chantant, sensuel.

Elle rit parce que la vie monte en elle, puissamment, parce que se dents sont nacrées et superbes.

Elle rit au zéphyr rôdeur, à l’insecte bourdonnant contre sa joue nuancée de même qu’une pêche d’Ille ; en songeant aussi à l’amoureux qui l’attendra, après le crépuscule, au tournant de la route que bordent les oliviers au feuillage argenté par la lune.

Balancée sur ses jambes solides, elle dévale par le chemin rocailleux, où les schistes roulent sous ses semelles de corde de sa chaussure, et à l’extrémité duquel sourd, abritée par un platane, l’onde qui désaltère les villageois.

Toujours des groupes de femmes s’attardent là à bavarder et tandis que la cruche déborde, faisant entendre un doux murmure, on y cause de l’un, de l’autre, on y médit, on y conte des histoires gaillardes. Les cigales susurrent dans les branchages contournés des proches amandiers, une haleine ardente s’exhale de la terre, et les blés immobiles sont d’or, au sommet de la colline, contre l’azur profond.

Qu’importe à la Catalane le soleil brûlant !

Elle s’entrouvre le haut du corsage, livre sa gorge à l’air. D’un geste brusque elle ramène ses jupes entre ses jambes, les y enserre, emplit d’eau le creux de sa main droite, la porte à sa bouche.

Elle boit, la tête renversée en arrière, tendant sa poitrine, son cou qui se gonfle, et des gouttelettes irisées glissent le long de son menton, mouillent son visage, tremblent au bout de ses cils recourbés. Puis ranimés par cette affusion, elle reprend la sente menant au seuil familial.

Une voisine penchée à la fenêtre la hèle, un garçon en la croisant lui lance une gaudriole, lui décoche une œillade polissonne. Elle rougit et son rire raisonne, ce rire voluptueux, perlé, glougloutant qui donne envie d’aimer.

Oh ! Catalane, fille de mon pays, que tu es attirante, lorsque tu passes, allègre et capricieuse, pareille aux chèvres de nos montagnes, allant ou revenant d’étancher ta soif à la source coulant du tertre herbeux sous la nappe immense d’outre-mer qu’est le firmament de notre petite patrie.

Fille de mon pays, demeure ce que tu es, quoi qu’on te conseille. Méprise les falbalas et les colifichets des villes, les hideux chapeaux citadins. Garde le charme de tes atours rustiques.

Sois demain ainsi qu’hier, l’incarnation des campagnes natales. Tu en symbolise l’âme, vision délicieuse qui ne s’efface plus de la mémoire et dont le souvenir met au cœur-un regret.

Comte Paul d’Abbes