Association ethnographique

Catégorie : 18e siècle (Page 1 of 2)

Carcassonne – Conférence de Laurent Fonquernie « Au temps de Jacques Gamelin : mode régionale de la seconde moitié du XVIIIe siècle »

Nous remercions vivement Suzanne Bezombes et l’association des Amis de la Ville et de la Cité de Carcassonne pour l’organisation de cette conférence et pour leur accueil chaleureux.

Laurent Fonquernie a présenté une conférence relative à la mode dans le sud de la France durant la seconde moitié du XVIIIe siècle à travers les oeuvres du peintre Jacques Gamelin. La conférence était accompagnée des membres de l’association le Temps du Costume Roussillonnais en costumes d’époque, ce qui a ravi l’assemblée présente lors de l’événement.

Préparation dans les coulisses
Article dans l’Indépendant

Le corps roussillonnais, un élément méconnu du costume catalan.

L’iconographie locale de la Catalogne nord montre quelques exemples d’un élément qui semble caractériser la mise des femmes de la bourgeoisie. Il s’agit de l’usage d’un corset rigide arrondi devant et derrière entre les bretelles. Des manches s’ajustent de manière à laisser passer, entre la bretelle et la manche, une sorte de guimpe en tissu blanc formant des ailettes plus ou moins grandes de chaque côté.

Détail d’un ex-voto de l’ermitage de Domanova.

Le costume est composé d’une jupe noire sous un manteau de robe marron qui comporte un corps rigide avec des manches amovibles ; d’une fraise blanche et d’une guimpe qui passe sous les bretelles du corps, formant comme un volant sur les épaules. Une coiffe apparaît sous le voile qui complète ce costume.

Portrait de Maria Serre, par Hyacinthe Rigaud.

Hyacinthe Rigaud a représenté sa mère, vêtue d’un corps semblable à celui de l’ex-voto de Domanova, dans des matières plus nobles, vu son statut social. Certainement un corps en velours et un fichu en soie.

Détail de la charité de saint Thomas de Vilanova, église saint Jacques, Perpignan.
La charité de saint Thomas de Vilanova, église saint Jacques, Perpignan.

On remarque sur la femme allaitant son enfant, que la guimpe s’ouvre devant et passe largement sous les bretelles du corps.

Les toiles peintes

De nombreux édits ponctuent la période de la prohibition des toiles peintes, qualifiées aussi d’indiennes, et qui sont le seul monopole de la Compagnie des Indes.

En 1737, on peut d’étonner de la lourdeur de l’amende de 300 livres encourue par Thérèse Sabriane, femme de Jean Mestre, pour avoir été surprise avec un tablier de toile peinte fond blanc à fleurs rouges. La peine sera descendue à 5 livres par le contrôleur général.

Toutefois en haut lieu, les peines très lourdes sont jugées correctes comme celle de la marchande Roillet condamnée a 3000 deniers d’amande pour saisie de marchandise prohibée, amende qui avait été pourtant ramenée à 10 livres.

Suite à dénonciation, des particuliers aisés sont condamnés pour saisie d’indiennes à leur domicile, comme le sieur Bergès de Vinça. Chez lui, les employés des fermes ont trouvé quatre pièces de toiles peintes qu’il a déclaré avoir acheté d’un inconnu pour en faire un lit.

Après 1748, le gouvernement légifère conte les demandes de modération des amendes. En 1749, les toiles autorisées de la Compagnie des Indes sont inventoriées chez les marchands de Perpignan et mises à la nouvelle marque.

La soie, une histoire roussillonnaise

Échantillon de droguet de soie de Perpignan, manufacture royale d’étoffes et bas de soie, vers 1740, AD66.

La matière la plus noble est la soie qui était tissée à Perpignan dès avant le XVIe s. par des tisserands de la confrérie des veloutiers de soie, ainsi qu’au sein d’une manufacture royale pour la fabrication de tissus et de bas, entre 1730 et 1750. Par sa cherté et les lois somptuaires qui en interdisaient l’usage aux classes populaires, la soie était toutefois portée  par le biais du réemploi des vêtements et servait aussi à broder de fils colorés les habits, ou à orner avec galons et rubans les coiffes ou attacher les manches au corset. Les tissus de soie de basse qualité appelés bourrettes de soie étaient fabriqués en partie à Nîmes et vendues en Roussillon. On trouvait aussi des fichus de soie de Catalogne ou de Valencia vendus par les espagnols tenant échoppe sur certaines places de Perpignan.

En 1779, un édit crée la nouvelle communauté des tisserands de soye, laine et fil de Perpignan. AM HH 12.

« A l’égard des soies, le commerce en devient tous les ans plus étendu et augmentera considérablement dans la suite par la grande plantation de muriers que l’on fait tous les ans en Roussillon, ainsi que par l’émulation des particuliers à élever des vers à soie. Cette partie peut monter, lors d’une récolte médiocre à environ 20 quintaux de soie, qui passe quasi totalement dans les manufactures de Lyon et du Languedoc. On doit observer que cet objet est d’une grande importance et pourrait être porté jusqu’à 200 quintaux, si comme on s’attache à la plantation des muriers, à laquelle le pays est très propre, on avait soin de les cultiver et d’en cueillir la feuille autant qu’il faut[1]. »

Au XIXe, les procédés industriels permettent d’obtenir des soieries moins chères, des taffetas qui donnent de l’ampleur et de la tenue aux jupes et aux robes qui ne cessent de croitre en métrage. La sériciculture est restée une activité importante qui se généralise en Roussillon, notamment à Cattlar et à Ille-sur-Têt au XIXe s. Les agriculteurs, riches propriétaires sont informés par le biais de la Société Agricole Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales de ce que peut leur rapporter l’élevage du ver à soie, compte tenu du climat roussillonnais favorable et du nombre important de muriers. Sous la monarchie de Juillet, les propriétaires implantent cette production auprès de leurs métayers dans les « métairies » comme le mas Ducup ou Bresson autour de Perpignan, et à Latour de France où le marquis de Ginestous propriétaire du château de Caladroy fait venir des ouvriers du Gard, formés à la culture du ver à soie.

Victime de plusieurs maladies, notamment la grasserie, les vers à soie faillirent disparaître totalement si l’on n’avait pas eu l’idée de faire venir en remplacement des races milanaises et d’Andrinople, la race « jaune milanaise » qui cumulée avec la venue de Pasteur en 1867 permit la reprise de cette économie. Le Roussillon se spécialisa alors dans la vente des œufs ou graines qui étaient vendus dans de petites boites rondes de carton ventilées par de minuscules trous.

La décadence de cette production est due en partie à la fin du XIX e siècle aux taxes qui rendent les soies roussillonnaises peu concurrentielles face aux soies provenant de l’étranger[2].


[1] Poedavant, Le Roussilon à la fin de l’Ancien régime, SASL, 1987, p.63.

[2] Ponsaillé, J., « un intéressant document sur la venue à Ille d’un président du Conseil », CAVI, 1999, p.9,27.

Les Danses comme reflet de la société perpignanaise.

Le Chevalier de La Grange indique en 1787 :

« Les artisans et les bourgeois s’assemblent souvent entre-eux et dansent au son d’un chalumeau, une danse monotone, qui est toujours la même mais ils ne manquent jamais la mesure. Ces assemblées sont annoncées le matin par le chant mélodieux de l’instrument dont je viens de parler, et donne en même temps le signal de mettre le bas blanc. C’est toujours en l’honneur de quelque saint [1] »

Sa description reste bien imprécise et comme le souligne en son temps le médecin Carrère, elle nous donne toutefois une jolie expression : « mettre le bas blanc » quand il s’agit d’aller danser. Il semble qu’il s’agisse ici du contrepas qui est la première tirade des « danses » qui en Roussillon sont très codifiées.

Ces danses catalanes « font partie des fêtes que la ville de Perpignan donne dans les grandes occasions. On entoure alors la place de l’Hôtel de Ville d’une enceinte de bois, d’environ vingt pieds de haut. On la couvre de décorations destinées à cet objet. On place aux quatre angles extérieurs quatre fontaines à vin, et l’on met grand nombre de musiciens du pays sur un échafaud orné de même que l’enceinte. Vingt-quatre femmes d’artisans habillées très proprement à la catalane, et un nombre pareil d’hommes de leur état, sont chargés par les officiers municipaux d’en faire les honneurs. Ces quarante-huit personnes ouvrent ce bal tous les jours, après quoi ils y reçoivent tantôt les dames, tantôt la bourgeoisie, tantôt les femmes de leur état. Le jour ou le bal est masqué, personne à l’exception des quarante-huit, ne peut y être reçu qu’en habit de masque. C’est alors un très beau coup d’œil. La place décorée, couverte d’une foule prodigieuse portant des costumes aussi variés que multipliés, éclairée d’une grande quantité de flambeaux, les croisées de la place et les balcons de l’Hôtel de Ville remplis de personnes de tous états, un mouvement vif et animé, varié, et continuel dans le milieu, forment un ensemble qui frappe agréablement les yeux du spectateur [2]. »

Cette description montre l’importance des états, ces classes sociales bien distinctes que la Révolution va essayer de balayer.

Dans son Essai sur la statistique du département des Pyrénées-Orientales, Jacques Delon, secrétaire général de la Préfecture indique toutefois que les différences de statuts sociaux se retrouvent toujours dans l’habillement : « les citoyens des premières classes sont vêtus à la française. Il y a peu de luxe dans les habits et dans les ameublements. L’habillement des journaliers, des paysans et de la plus grande partie des artisans est composé d’une veste courte, d’un gilet et d’un pantalon. Un bonnet de laine rouge leur tient lieu de chapeau dans toutes les saisons de l’année. Leurs femmes portent un corset et une jupe, et un capuchon qui leur couvre la tête et les épaules [3]. »


[1]              Chevalier de La Grange, Essai historique et militaire sur la province du Roussillon, 1787.

[2]              La Harpe, (J.-F. de), Abrégé de l’Histoire générale des Voyages continué par Comeiras, Volume 37, 1804, p.344. Cet auteur reprend une description antérieure à la Révolution française.

[3]              Delon (J.), Le Roussillon après la révolution, texte annoté par Etienne Fresnay, SASL des PO, 1993, p.72.

Le premier état descriptif des costumes traditionnels roussillonnais sous l’Ancien-régime

P. Maurin, portrait de famille vers 1781 (gravé par Urabieta)

Jean-Baptiste Carrère est l’auteur du volume des « Voyages pittoresques » consacré à la Province du Roussillon, paru en 1787. Ses descriptions présentent un grand intérêt, par leur précision. Elles sont assorties de gravures [1]qui s’inscrivent dans le courant encyclopédique, Carrère étant lui-même médecin. Savants et érudits s’attachent alors à décrire chaque « pays » ou province avec les éléments représentatifs comme les costumes. Afin d’insister sur les particularités de ceux portés en Roussillon, Carrère indique : « nous nous bornerons ici au costume national du peuple, celui des personnes élevées ne diffère point du reste de la France».  En effet, contrairement à la période précédente, noblesse et haute bourgeoisie sont au fait de la mode parisienne par des voyages à la capitale, la circulation des almanachs des modes ou encore l’achat de poupées appelées pandores [2]. Ces poupées, véritables copies miniatures de tenues à la mode, sont ensuite recopiées en taille réelle.

La fin du XVIIIe s. indique bien un clivage culturel et social entre la classe dirigeante à la dernière mode et le reste de la population fidèle au costume traditionnel.

Ménestrale de Perpignan, dessin aquarellé de Beugnet pour le Carrere, 1787, Cabinet des Estampes, Paris.

Dans cette seconde catégorie, Carrère y distingue deux classes, celle de la bourgeoisie moyenne des artisans et des propriétaires fonciers, en catalan menestrals et pagesos [3] et celle de la paysannerie. Il cite en cela « l’habit à la ménestrale et l’habit à la Catalane. La forme en est à peu près la même, il ne diffère que par le degré d’élégance. Le premier est celui des femmes des artisans, et assez communément des bonnes bourgeoises et des bonnes fermières des campagnes ; le dernier est celui des paysannes. Elles ont toutes un capuchon noir, de serge ou d’étoffe de soie, les premières le portent toujours sur la tête ; les dernières le plient le plus souvent et le tiennent sur le bras. »

Catalane, aquarelle de Beugnet pour le Carrère, 1787, cabinet des Estampes, Paris.

Malheureusement, incapable ou peu enclin à détailler un habillement féminin, Carrère nous laisse à nos propres interrogations, en ajoutant : « La description des formes de leurs habits est assez difficile et longue ; on le verra plus aisément dans les figures que nous avons fait graver ». L’auteur explore ensuite un autre domaine géographique très représentatif du costume vernaculaire : «Le costume des femmes du Capcir et de la Cerdagne est différent de celui du reste de la province. Elles couvrent leur tête d’un filet, réseau de fil ou de soie de couleur, ou bien d’une simple mousseline, qui n’en recouvre que la moitié, et laisse à découvert les cheveux du devant.»

Catalane en résille, vers 1820.

Nous constatons l’usage dans le sud du Roussillon et en Cerdagne de la résille couvrant les cheveux et non de la coiffe blanche en tissu. La manière de porter le fichu ou mocador de cap en catalan, très en arrière sur la tête y est particulière, tout comme l’usage d’un capuchon à pointe recourbée vers le haut. « Elles portent par-dessus un capuchon, rond devant, pointu derrière et tombant jusqu’à la ceinture. Il est de laine blanche pour le peuple, d’une laine plus fine ou de mousseline pour les plus riches. Elles ont au col une fraise de mousseline ou de dentelle. Leur habit est une sorte de corset, il est contenu dans une espèce d’écartement par une busquière triangulaire, garnie de baleines de fer, couverte de belles étoffes, mais très bigarrées, et maintenues par des lacets, rubans et cordons de différentes couleurs [4].» Nous trouvons donc le corps rigide ou busc recouvert d’étoffes de soie. Ce corset très contraignant avait alors été remplacé par des corsets souples dans les espaces de grande circulation comme le Roussillon. De par sa position montagneuse, la Cerdagne conserve son usage plus longtemps qu’ailleurs à cause de son éloignement des voies de communication.    » Leurs jupons sont exactement ronds, à petits plis renversés à la ceinture et bordés en bas par des rubans de fil ou de soie de différentes couleurs, ou des galons ou dentelles en or ou en argent. Les femmes du peuple portent des bas rouges ou verts, et des espardègnes ou souliers de corde, ou bien des souliers dont le cuir est tailladé en plusieurs sens de manière à former un dessin. » Le plateau cerdan était réputé pour ses productions de bas réalisés à domicile pendant les longs hivers, ce qui explique la possibilité donnée aux femmes de toutes conditions de pouvoir en porter. De même le travail du cuir, réputé en Catalogne et en Roussillon, s’exprime dans la réalisation de chaussures.

Catalane de profil, portant la résille, extrême fin du XVIIIe s.

«L’habit des paysans consiste en un gilet croisé rouge, bleu ou de quelque autre couleur, sur lequel ils portent une veste ou une camisole de drap brun. Ils ceignent le bas de leur ventre avec une bande très large de serge bleue ou rouge, qui fait plusieurs tours. Ils portent sur la tête un bonnet de laine rouge». Le costume masculin catalan est bien représenté, gilet, veste, la traditionnelle faixa ou longue ceinture de tissu enroulée autour de la taille et la barretina, bonnet de laine feutrée.  « Quelques fois le chapeau par-dessus et à la place des bas, des pièces carrées de toile dont ils entourent leurs jambes et qu’ils attachent avec des cordons. » Il s’agit là de guêtres qualifiées en roussillonnais de garmatxes [5]. « Ceux du Roussillon et du bas Vallespir portent des souliers et ceux du haut Vallespir et de la Cerdagne, des souliers de corde» L’espadrille, ou vigatana est une chaussure réalisée totalement ou en partie en corde, de fabrication méditerranéenne très ancienne.

« Les paysans riches des montagnes ont un gambeto brun ». Il s’agit d’un paletot long qui est porté l’hiver et qui pare du vent, et pouvait être passé par-dessus la veste. On le retrouve sur les représentations de Saint Gauderique, sculpté ou peint dans de nombreuses églises du Roussillon.

Classe intermédiaire correspondant aux ménestrales, « les voituriers de la Cerdagne et d’une partie du Conflent ont un habit joli et leste, il consiste en un bonnet de laine sur la tête renversé sur l’oreille, un gilet rouge, une petite veste bleue fort courte à petites poches, croisées par derrière, garnie de petits boutons de cuivre jaune, une culotte ronde sans jarretières, un petit jupon fort court et très plissé, à peu près dans la forme de ceux des couvreurs, une ceinture de cuir, de laquelle pend une bourse aussi de cuir, qui se ferme avec des cordons terminés en glands, appelée escarcella, semblable à celle que porte le recteur de l’Université de Paris, des bas et des souliers de corde très légers et très découverts sur les pieds. Ceux-ci sont maintenus par des rubans bleus ou rouges qui, après avoir formé quelques dessins sur le pied, vont faire plusieurs tours et se croiser plusieurs fois sur les jambes ou ils sont noués en forme de petite cocarde.» Il s’agit là d’un costume catalan d’apparat, avec cette bourse très travaillée et ces boutons servant d’ornements tout autant que d’objets usuels. On remarque le jupon, relique des hauts-de-chausses des temps anciens. Cet aperçu succinct mais très précis de l’habillement traditionnel distingue de la paysannerie la classe intermédiaire, héritière de la bourgeoisie de la première moitié du XVIIIe siècle. C’est elle qui a maintenu un habillement riche tant par les matériaux que par des enjolivements, bourses, broderies, ou rubans.

Homme et femme de la Catalogne, Grasset Saint Sauveur.

La description encyclopédique de Grasset Saint Sauveur est un immense travail de compilation des costumes de tous les peuples de la terre, le costume catalan tant celui du Roussillon que celui de la Catalogne est décrit en 1792 : « Le costume des Catalans a quelque chose de flatteur. Les hommes portent leurs cheveux enfermés dans un réseau recouvert d’un bonnet qui retombe sur le côté, à peu près comme les bonnets de police de nos soldats, quelques fois ce bonnet est remplacé par un chapeau à trois cornes. Leur justaucorps est une espèce de gilet croisé fermé avec des boutons, et orné de revers et de parements d’une couleur tranchante. Par-dessus ce justaucorps ils portent un manteau très ample dans le bas mais qui dans le haut laisse absolument à découvert un bras et une partie de l’épaule. » Il s’agirait d’une cape ou du gambettou porté sur les épaules sans en enfiler les manches. « Tout le reste de l’habillement des Catalans ressemble à nos habits français, à l’exception toutefois de la chaussure, qui est fixée autour de la jambe, à l’aide d’une laçure à peu près comme les sandales des anciens. L’habit des Catalanes est plus agréable encore. Un large voile fixé sur le front, descends avec grâce sur les épaules, un corset lacé par devant dessine parfaitement la taille, et un mouchoir à la française couvre en partie la gorge : les manches de ce corset laissent les bras presque absolument à nu. La jupe est très longue, et un petit tablier très étroit, et très court descend jusqu’au genou. Ordinairement le fond du corset est relevé par une broderie en soie de la couleur du tablier ou du voile [6].» Deux gravures aquarellées accompagnent cette description qui sera reprise tout au long de la première moitié du siècle dans de nombreux ouvrages.


[1]                les dessins aquarellés de Beugnet qui ont servi aux gravures sont conservés à la Bibliothèque Nationale à Paris, fonds Destailleur.

[2]              Tetart-Vittu, La mode à la française : de la fabrique à la clientèle, un parcours réussi, dans Modes en miroir, 2005, p.44, 46.

[3]              Pagèsos : propriétaires agricoles, assez riches et au statut en partie comparable aux maîtres artisans.

[4]              Un capuchon similaire existe dans les collections de la Casa Pairal de Perpignan.

[5]              Terme relevé dans plusieurs inventaires et qui trouve son pendant en Catalogne dans le terme polaine.

[6]          Grasset-Saint-Sauveur, (J.), Encyclopédie des voyages, Bureau de souscription chez M. Lescoure et chez les frères Labotière libraires, 1792.

Habits de deuil dans la Province de Roussillon au 18e siècle.

La couleur noire pour signifier le deuil apparait au XVIIe siècle [1]. En Roussillon deux tenues se distinguent chez la femme : celle du deuil de cérémonie et celle du deuil au quotidien.

Les femmes portent alors des coiffes noires de taffetas [2] qu’elles se procurent chez les marchands d’habits [3]. Elles les agrémentent de garnitures de dentelles, rubans et fleurs de tissu noir [4]. Vient ensuite l’habit : « un vestit negra de dona ço es manto y faldillas de papalina, una xarpa de tafatas negra doblada de sati blanch [5] » c’est-à-dire un habit noir de femme constitué d’un manteau et de jupons de papeline, ainsi que d’une écharpe de taffetas noir doublée de satin blanc.

Au cours du XVIIIe siècle, l’usage de se couvrir de grandes étoffes noires de la tête aux pieds disparaît dans les couches aisées. Un témoignage décrivant une Vierge de la Piéta, en 1708, permet d’en savoir plus sur le déclin du grand deuil à la Catalane : « Elle est vêtue de grand deuil comme le sont non pas les personnes du commun mais les dames catalanes qui conservent quelque chose de la manière ancienne de s’habiller dans ce pays ; elle a de grandes coiffes de crépon noir »[6].

En 1786 on trouve dans un inventaire cette description d’une « espèce de voile à l’ancienne en taffetas noir moucheté [7]», vestige des grandes mantilles. Pour sortir, la capuche noire est préférée l’hiver, portée sur une coiffe noire.

Les hommes portent aussi des tenues noires de deuil, habits complets de voile noir et bas de soie noire. Les boucles de souliers à pierreries sont proscrites et remplacées par de simples boucles de fer [8]. Lorsque le grand deuil est passé, le Catalan met à sa veste une cocarde de rubans noirs [9].

Il est en outre d’usage dans les grandes familles d’habiller de noir, le jour de l’enterrement, les gens de la maisonnée, servantes, laquais et autres, et de donner à chaque participant à la cérémonie un crêpe noir, comme mentionné lors des obsèques de l’épouse de Don Joseph d’Oms en la cathédrale de Perpignan [10].


[1]              Boucher, p.464.

[2]              ADPO, 3 J 407, 1697.

[3]              ADPO,5 E 1/5962, 1681.

[4]              ADPO, 3 E 1/5752, garniture de cofa de dol, 1698.

[5]              ADPO, 10 Bp 355, 1698. Un habit de femme noir composé d’un manteau et de jupons de papeline, une écharpe de taffetas noir doublé de satin blanc.

[6]              Colomer, (C.), op.cit.p.142.

[7]              ADPO, 3 E 14/72, 1786.

[8]              ADPO, 3 E 22/258 1786.

[9]              ADPO, 3 E 5/36, 1760.

[10]            ADPO, 3 E 22/230, 22 mars 1757, le sieur d’Oms pourvoit aussi à l’achat de draps noirs pour garnir l’autel et la chaire de la collégiale.

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