« Telle est de nos jours l’excessive mobilité de la mode, que ces robes à manches immenses, qui ont succédé à celles que l’on nommait à l’imbécile[1], et non sans quelques raisons, et qui toutes ont eu comme point de départ la manche à gigot, que ces robes, dis-je, très en vogue au moment ou je vous trace ces lignes, seront déjà peut être des vieilleries quand je serai parvenu à la fin. Qui pourrait maintenant suivre les modes dans leur rapide vol [2]? »

Le Journal des Pyrénées-Orientales ne propose en 1833 que trois articles sur la mode parisienne, ils sont toutefois extrêmement concis et démontrent l’attrait exercé par celle-ci. Les Roussillonnaises y apprenaient alors les dernières modes de paris :
«Les dames adoptent une blouse en mousseline blanche très décolletée, il est de rigueur que le dessous soit en jaconas blanc garni d’une valencienne, l’ourlet de la blouse doit être très étroit, on y passe un ruban en taffetas rose ou bleu, de la largeur de l’ourlet afin qu’il se trouve à plat, et entre les deux mousselines. Il est entendu que la ceinture est un ruban de la même couleur et de la même largeur, qu’on tourne deux fois au tour de la taille et qui revient par devant avec un nœud formant pointe.
Quelques dames laissent au nœud de longs bouts. Avec cet ajustement, il faut autour du corsage et des manches une Angleterre, et les manchettes relevées avec de petits nœuds. Une écharpe de dentelle noire est de très bon goût avec cette toilette. Les canezous se portent avec un grand succès au spectacle : le dernier genre est une dentelle froncée sur la poitrine et relevée de distance en distance par un nœud. Le rose est la couleur qui va le mieux avec le noir. On y adapte en dedans une guimpe, dont les fronces sont retenues autour du cou par une guirlande de rubans.
Avec un pareil canezou on arrive au but, ce qui veut dire qu’on ressemble presque à un vieux portrait. Les robes de gros de Naples chinées sont en vogue. Le corsage est plat et sans ceinture. La jupe est montée avec un liseré au corsage seulement : le corsage est un peu cintré sur le devant, sans être à pointe décidée. Un revers de même étoffe, faisant pointe par devant, retombe sur le corsage, et est garni d’une ruche dentelée de même étoffe. Dans la jupe sont adaptées deux ouvertures formant poches, et garnies de ruches pareilles. Les manches sont ouvertes et rattachées par des nœuds taillés en biais, et entre chaque nœud il passe un creuvé en mousseline blanche. Les chapeaux de paille de riz obtiennent une faveur marquée, on en fait qui ont un bouquet de plumes avec les brides du chapeau passées autour[3] ».
Un second article, quelques semaines plus tard, indique : « une robe de mousseline hindoue imprimée à dessins turcs, depuis le bas de la robe jusqu’à la hauteur du genou. Cette robe beaucoup plus légère en dessin que les robes de cachemire broché, qui ont été de mode il y a de nombreuses années, nous a paru une heureuse innovation, et nous pensons que bientôt les nouvelles maisons de nouveauté de Paris en offriront du même genre. L’œil sera reposé de cette multitude de dessins d’indiennes qui couvrent depuis longtemps les foulards et les châles. Les robes d’organdi sont maintenant les mieux adaptées pour les toilettes des bals champêtres, les plus jolies sont fonds de couleur, avec des semis de grosses fleurs. Sous les organdis fond de couleur claire, il est bien de mettre un dessous de gros de Naples de même couleur. »
Le troisième et dernier concerne, cette fois-ci, les hommes :
« Les redingotes sont presque toutes à châle, en drap noir ou vert russe, très foncé ; les jeunes gens les préfèrent à l’habit frac boutonné, taille cambrée, robe tuyante, et descendant au jarret. Le châle de quelques redingotes est recouvert de velours. Pour les gilets, on emploie les piqués côtelés, et à dessins gaufrés fonds blanc, et chamois clair, parsemés de petites fleurs, on recherche aussi les satins moirés à dessin de cachemire. Les chapeaux noirs, ou gris, en castor, ont un très petit bord non relevé, et sont très haut de forme. Les bottes ont des talons très élevés, et des bouts carrés, comme ceux des souliers. Le matin les élégants portent des joncs bruns ou blanc, le soir des cannes d’ébène garnies d’une petite paumelle d’argent. »

Le Journal local proposant l’abonnement à La Mode de Paris, le journal de la toilette et des nouveautés parisiennes, nous apprend ainsi la provenance des trois articles cités précédemment. En 1834, plus aucun article de mode dans le Journal des Pyrénées-Orientales, mais une publicité pour Le Protée, journal des modes et littéraire contenant sur les 40 pages d’impressions et deux gravures de mode. Il s’agit probablement du nouveau nom de la précédente revue.
On trouve à cette époque dans la capitale roussillonnaise parmi les marchandes de mode, les dames ou demoiselles Artus, Capdebos, Dagne-Fraisse, Golpy, Laplante, Pugens ainsi que la veuve Astruc.
En 1837, il existe pour les plus pauvres 13 fripiers en ville, preuve des habitudes de réemploi des vêtements et des conditions de précarité d’une partie de la population.
La silhouette voulue par le bon ton oblige les belles à tricher sur leur physionomie et certaines ont pu trouver chez le coiffeur Bissière, installé au premier étage de la maison Laroche, rue des Trois Journées, des « bourrelets en baleine noire et blanche, dont la confection ne laisse rien à désirer[4] ». Ceux-ci permettent de gonfler les jupes et surtout de rehausser les manches à gigot.
[1] manche très ample dans laquelle on mettait du plomb près du coude pour la faire pendre
[2] Le Publicateur, 1833, article de Frédéric Guillaume, « Les modes anciennes et modernes », p.79.
[3] JPO, 1833.
[4] Le Publicateur, 1832, Alzine, Perpignan, p.26.
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