Association ethnographique

Catégorie : Second Empire (Page 3 of 3)

Perpignan à L’avènement de Napoléon III : étranges réglementations

« Le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte ne pouvait manquer de produire une vive agitation dans les départements du Midi. Patrie du savant Arago, le département des Pyrénées-Orientales, appartenait presque entièrement à l’opinion démocratique, et la constitution républicaine devait nécessairement y trouver un grand nombre de défenseurs.

…/…Telle était la situation à Perpignan, chef-lieu, lorsque la nouvelle du coup d’État y arrive dans l’après-midi du 4 décembre 1851. Aussitôt un rassemblement tumultueux se forma devant la préfecture. Il fut dissipé, non sans peine par la troupe, qui fit quelques arrestations. Le lendemain, l’arrêté suivant du maire de Perpignan, était affiché sur les murs de cette ville :

Cet arrêté était signé Lloubes, maire de Perpignan et contresigné par le préfet Dulimbert.

« Considérons qu’il importe que, dans les circonstances présentes, chacun de montre à) découvert, et qu’aucun méfait ne puisse demeurer impuni,

Arrêtons :

Art. 1 : A partir de ce jour, et jusqu’à nouvel ordre, il est défendu de sortir la nuit, la tête couverte d’un capuchon ou de tout autre objet empêchant de reconnaître les personnes.

Art.2 : Il est également défendu de sortir la nuit la figure enveloppée d’écharpes, ou autres objets, pouvant empêcher de reconnaître les personnes

Art.3 : Il est également défendu de sortir déguisé de façon quelconque.

Art.4 : Les contrevenants au présent arrêté seront mis à la disposition de l’autorité compétente, pour être poursuivis conformément aux Lois.

Art.5 : Les commissaires de Police et les agents de la force publique sont chargés de l’exécution du présent arrêté. »

Pendant 48 heures, le calme parut complètement rétabli et l’on écrivait de Perpignan, le 7 décembre : Le département a repris sa physionomie accoutumée. Partout on adhère avec empressement aux mesures adoptées par le chef de l’État. L’effet produit par les dernières dépêches est immense, les honnêtes gens sont dans la joie. La tranquillité règne partout dans le département.

Cela n’était qu’à moitié vrai : si le préfet, M. Pougeard-Dulimbert et M. le Maire, de Perpignan Auguste Lloubes, avaient donné leur adhésion aux décrets du président de la République, plusieurs personnages importants dans le département l’avaient refusée, entre autre MM Cammès, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, et Cartène, ingénieur ordinaire, qui, pour ce refus, furent suspendus de leurs fonctions.

Et puis si Perpignan était tranquille, il s’en fallait de beaucoup qu’il s’en fut de même dans tout le département. A Estagel, par exemple, le dimanche 7, des groupes nombreux se formèrent dans les rues et parcoururent la ville en chantant la Marseillaise, et l’émeute ne tarda pas à devenir menaçante.

…/…Une grande agitation se manifesta également à Thuir, à Villelongue, à Collioure, à Prades. Partout furent faites de nombreuses arrestations, dans les trois arrondissements de Perpignan, de Prades et de Céret, leur nombre s’élevait à plus de  deux cents, et ce nombre fut doublé, par les captures qu’opéra ensuite l’autorité militaire[1]. »


[1]          Decembre, (J.), Alonnier (E.), Histoire des Conseils de guerre de 1852, ou Précis des événements survenus dans les départements a la suite du coup d’État de décembre 1851, Paris, 1869.

La photographie perpignanaise et de son apport à la connaissance du costume : le temps des crinolines (1852-1870)

La rapide diffusion de la photographie à Perpignan n’a rien d’étonnant, lorsque l’on sait que c’est le député catalan François Arago (1780-1853) qui divulgua devant l’Académie des sciences l’invention du daguerréotype en 1839 (http://culturevisuelle.org/icones/804 ), et qu’il fit don au musée de la ville des premiers essais de cette toute nouvelle trouvaille.

Avec son nouveau quai de la préfecture, sa gare en construction, ses rues anciennes,  la ville de Perpignan est le théâtre des nouvelles modes sous le Second-Empire entre 1852 et 1870. Naturellement, les belles Catalanes se pressent auprès des ateliers de photographes tel celui de Cabibel à la rue des Augustins, ou encore de Scanagatti, rue Rempart-Villeneuve, afin d’immortaliser leur image.

C’est le temps des crinolines, ces jupons en structure métallique qui donnent aux robes une ampleur jamais égalée dans l’histoire de la mode. C’est aussi le temps des longs châles à franges, (les grenadines et les manilles), et des coiffes parées, portées par les femmes de la bourgeoisie.

Les grandes familles n’ont de cesse que de se conformer à la mode parisienne et les épouses ont des coiffes structurées avec renfort de fleurs en soie et de rubans. Quelquefois ces femmes se dévêtent de leurs artifices, le temps de la pause. Ni coiffe, ni châle ne doivent perturber le regard du futur possesseur d’une image voulue cette fois-ci comme le reflet de l’âme et des sentiments.

A travers quelques clichés gracieusement empruntés aux albums de photographies familiaux, penchons-nous sur les costumes de cette époque, tels que le photographe dans son studio nous donne à les découvrir. Hommes, femmes et enfants forment un univers intimiste où l’on retrouve les classes aisées de la société roussillonnaise, commerçants, nobles, veuves, militaire et juristes. Tous ont un rapport avec le costume et la mode, et véhiculent à la fois leur identité propre mais aussi une partie de l’identité du Roussillon, tiraillé entre l’expression de la tradition catalane et la volonté d’évolution et de modernisme.

  1. Anne Bonet épouse Monné.

Photographiée à Marseille lors d’un voyage, cette femme d’âge respectable porte un très grand châle à franges ainsi que la coiffe catalane. La robe de grande ampleur et le caraco à manches pagodes et manchettes de mousseline laissent percevoir l’usage de mitaines. Enfin, nulle catalane ne saurait voyager sans un éventail.

  • Femme et enfant.

Il est intéressant de remarquer la vêture toute traditionnelle de cette mère avec coiffe, châle et tablier, ainsi que le joli motif moiré de la robe.

Photographie Bissière, Perpignan.

  • Portrait de femme.

Très belle pose pour cette épouse au petit châle en pointe, en dentelle noire. Elle ne porte pas de coiffe. La taille est amincie par un corset. Il ne semble pas que le volume soit du à des cerceaux d’acier,  mais plutôt à un assortiment de nombreux jupons amidonnés.

Photographie Cabibel, Perpignan.

  • Portait de femme âgée

Les femmes âgées, qualifiées de « padrinas » ont toujours été tenues en grand respect dans les familles roussillonnaises. Porteuse de souvenirs, de la langue catalane et de l’histoire familiale, cette authentique grand-mère porte fièrement la coiffe catalane telle qu’elle se portait dans sa jeunesse, la passe descendant très bas et masquant les oreilles. Le châle et la jupe semblent constitués de lainages, textiles chauds produits notamment à Prats-de-Mollo.

Photographie Cabibel, Perpignan.

  • Portait de jeune fille

Cette jeune personne en chemisier blanc porte un ensemble constitué d’un corset à bretelles et d’une jupe du même tissu, probablement soie ou cotonnade à motif chamarré. Proche du costume des catalanes des campagnes, cet ensemble est bien un costume d’été pour jeune fille bien née.

Photographie Bissière, Perpignan.

  • Emile Lequin

Artisan, Emile Lequin était horloger-bijoutier à Perpignan. Le complet-veston s’est imposé chez les hommes à partir du Second Empire, mais la plupart des Roussillonnais portent encore la redingote. On notera le très beau nœud de cravate ainsi que la chaine giletière pour la montre.

  • Espérance Polge (1836-1907)

La jeune Espérance est photographiée à Prades, vers 1860. Sa robe à crinoline prouve que cette mode touchait en même temps la capitale du Roussillon comme toutes ses petites villes éloignées. La coiffe catalane est parée, c’est-à-dire qu’elle est agrémenté de rubans, fausses fleurs et dentelles. Le petit fichu est porté avec les pointes repliées le long de la taille et il est peut être noué dans le dos. 

Photographie Grando, Prades.

  • Portrait de femme

La simplicité de a mise de cette jeune femme nous permet de bien apprécier l’ampleur que la crinoline pouvait donner. A Perpignan on a surtout porté le modèle rond, avec jupon plat devant, plus pratique que la crinoline à volume projeté en arrière. Nous pouvons voir les plis sur le devant qui permettent l’ampleur, ainsi que la ceinture en losange qui resserre la taille.

  • Portrait de veuve

Étrange pour nos yeux contemporains, le costume de grand deuil des femmes aisées et très âgées est très bien représenté sur ce portrait. Les coiffes de deuils des modistes étaient mises en volume avec des fils de laiton recouverts de soie, fleurs noires et chantilly noire en grande quantité. Leur volume et leur poids obligeait à les serrer par de gros rubans sous le menton.   

Photographie Canavy, Perpignan.

  1. Couple

Il s’agit d’un gendarme en costume d’apparat et de son épouse. La vie militaire de Perpignan n’est plus à démontrer pour cette ville frontalière de garnison. Ici l’épouse porte un magnifique châle carré en laine cachemire, probablement de la ville de Nîmes où ce genre d’article était fabriqué. La coiffe est parée, le châle est arrêté par une broche. La crinoline est ronde. Il est à noter pour ce costume l’absence de tablier d’apparat.

  1. Portrait colorisé de jeune fille

Ce portrait mis en couleur permet d’apprécier le costume de jeune fille. Elle porte elle aussi une petite crinoline sous sa jupe courte, verte à motif de deux lignes noires en ruban de velours. Elle porte en dessous un pantalon de lingerie qui s’arrête aux bottines. Le caraco noir est lâche, non resserré à la taille.

  1. Portrait de Catalane

Jeune femme en coiffe catalane portant la crinoline, ce qui donne un joli volume à sa robe. Son châle possède quatre bandes d’or. Il est en soie grenadine, matière légère dont la  transparence s’adapte parfaitement à la chaleur de l’été.

  1. Femme et ses enfants

Cette jeune mère est assise avec son dernier né sur les genoux et ses deux filles de part et d’autre. Elle ne porte ni coiffe ni châle. Les deux filles portent sensiblement la même robe d’enfant, à jupe courte et pantalons avec caraco à manches terminées par des manchettes bouffantes. Le petit garçon arbore sur sa tète un chapeau de paille tressée qui le protégera des chutes.

  1. Deux enfants

Deux petites filles de la bourgeoisie commerçante de Perpignan avec deux robes à manches courtes identiques. Les robes de petites filles se portaient avec bas et pantalons apparents.

  1. Portrait de jeune homme

Ce jeune homme à l’allure de dandy, probablement juriste ou commerçant, montre bien l’usage toujours en vogue en Roussillon de porter la redingote. Le complet-veston imposera bientôt l’uniformité de la couleur des trois pièces, ce qui n’est pas le cas ici. De très bonne famille ce jeune homme lit avec un monocle. On remarque aussi une montre en or ainsi qu’une bague en grenat de Perpignan.

Portrait anonyme colorisé.

  1. Josephine Escanyé

Sur ce portrait très altéré, cette épouse d’un maître de forges, née en 1801, est à la fin de sa vie une personne distinguée qui porte une coiffe capote en rubans et dentelles dans le plus pur goût napoléon III.  

  1. Lucie Salamo

A la faveur de la pose de biais, le photographe nous fait apprécier l’allongement progressif de la robe sur l’arrière. La cage que constituent la crinoline et ses cerceaux d’acier va progressivement s’aplatir sur le devant et faire renaître la traîne à l’arrière. Les manchettes bouffantes et un minuscule fichu blanc rehaussent cette robe simple et gracieuse.

  1. Portait de femme

Certaines catalanes ont complètement souscris à la mode impériale, et rien n’est laissé au hasard, que ce soit la capote à rubans et fleurs artificielles, l’étole de soie à volants, châle en dentelle de Chantilly, tout cela porté avec une robe à crinoline de grande ampleur.

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