Association ethnographique

Catégorie : Second Empire (Page 2 of 3)

Carnaval de 1879

La chronique du journal local nous informe que le carnaval a été cette année favorisé par température exceptionnelle, aussi les fêtes ont été brillantes et les bals très fréquentés. Les Loges de la parfaite Union et de Saint Jean des Arts ont ouvert et clôturé la série de réunions dansantes. Comme toujours, MM. les membres de ces Loges ont été de la plus exquise urbanité envers les nombreux invités qu’attire chez eux un accueil des plus sympathiques. Le bal du jeudi gras est venu fournir à nos excentriques le prétexte des déguisements les plus bizarres, on suivait avec plaisir  leurs évolutions, autour d’un essaim de jolis masques, dont les yeux scintillaient sous le velours noir des loups.

La soirée a été splendide et si les pierrots et les dominos ont été d’un mutisme désespérant, les danseurs ont prouvé qu’ils avaient des muscles d’acier. Est-ce bien une compensation ?

Il fut un temps pas si éloigné, où dans le couloir des galeries, trop étroit pour contenir la foule, s’engageait un feu roulant de lazzis et d’intrigues. D’indiscrets dominos y faisaient au profit de tous, la petite chronique, souvent scandaleuse, de l’année ; les rires couvraient les voix.

Aujourd’hui le silence règne le plus souvent dans ce corridor témoin jadis de si bruyants ébats, c’est à peine si l’on voit de temps en temps un masque s’y égarer au bras de son cavalier. Ils viennent pour s’isoler… écoutez en passant leur conversation, vous surprendrez entre deux soupirs, cette phrase sentimentale : « Quand donc, mon ami, allons nous déjeuner ? »

Aussi à partir de minuit, le bal n’est-il plus que dans la salle, exactement comme Mailloles n’est plus aujourd’hui que dans la ville. Jadis la population toute entière se rendait au Longchamp perpignanais. Les deux musiques de la garnison y jouaient leurs plus beaux quadrilles ; les danses catalanes étaient installées près de la fontaine d’Amour.

Dans les champs, d’aussi loin que les yeux pouvaient les découvrir, on apercevait des groupes joyeux, qui, venus dès le matin, apportant leurs provisions, faisaient circuler à la ronde le barral plein d’un rancio généreux. De modestes charrettes couvertes de laurier, ornées de rubans et transformées en char triomphal, véhiculaient les félibres catalans de circonstance, improvisant des vers ; tandis que de brillantes cavalcades et mascarades parfaitement organisées zébraient de leurs lignes brillantes cette longue file de bonnets rouges…

Si la promenade de Mailloles n’avait cette année plus rien d’original, cette année, plus rien de pittoresque, les balcons de la ville étaient en revanche, envahis dès une heure par une armée de jolis et frais visages ; de blanches mains préparaient des projectiles moins meurtriers que certaines œillades, et peu de temps après, le combat s’engageait sur toute la ligne pour ne finir qu’à six heures du soir. Pendant ce temps la joie la plus franche n’a cessé de régner. L’on a à déplorer, en fait d’accidents, que quelques yeux pochés, quelques nez escarbouillés, quelques chapeaux défoncés par certains aimables farceurs, dont le plaisir délicat consiste à lancer à tour de bras et une par une, de grosses dragées qui acquièrent dès lors la force d’un caillou.

Ces trouble-fêtes trouvent cela très drôle, nous les signalons à qui de droit afin que ces actions proscrites par le bon goût et par le respect que se doivent entre eux les citoyens, ne dégénèrent en rixes regrettables. Le carnaval n’a pas dit son dernier mot. On prépare un bal masqué pour la mi-carême. Cette fête viendra grossir la somme recueillie pour les pauvres dans les bals du Jeudi-Gras des amis de la Parfaite Union et de Saint Jean des Arts.

La quête faite au bal du Jeudi-Gras a produit 578 francs. Celle faite à la Parfaite Union 700 francs, et celle faite à Saint Jean des Arts 323 francs 50 cents. En tout 1601 francs et 50 centimes. Nous sommes heureux de faire connaître le total de ces quêtes, dont le chiffre va soulager plus d’une misère. Nous rendons grâce pour les pauvres à nos jeunes gens ; ils semblent s’être inspirés des vers de notre immortel poète Victor Hugo :

« Donnez ! Il vient un jour ou la terre nous laisse,

Vos aumônes, là-haut, vous font une richesse,

Donnez ! Afin que l’on dise il eut pitié de nous,

Afin que l’indigent que glacent les tempêtes,

Que le pauvre qui souffre à coté de vos fêtes,

Au seuil de vos palais fixe un œil moins jaloux.[1] »


[1]              E.Falip, Le journal des P.O., 1869.

Annonce du bal du Jeudi gras de Perpignan de 1869

Le bal traditionnel du jeudi-Gras, interrompu, nous ne savons pourquoi l’année dernière, aura bien lieu le 11 février prochain au Théâtre.

Les cartes d’invitations vont être envoyées, et, très incessamment, nous indiquerons l’époque à laquelle les réclamations pourront être adressées à la commission, ainsi que le siège de cette commission.

Voilà une bonne nouvelle pour les marchands, qui auront à fournir les étoffes des costumes, pour les ouvriers, qui les confectionneront, pour les fournisseurs de toute sorte, qui concourront à l’ornementation de la salle, et pour les pauvres surtout, puisque, spontanément d’une voix unanime les souscripteurs se sont dit : « On quêtera pour les pauvres ! »

Nous avons beau vieillir, nous ne saurions être un Caton pour la jeunesse, lorsque nous la voyons viser, à travers une joie bruyante de quelques heures, le bonheur calme et ineffable de soulager la misère.

Quel que soit la main qui donne, nous la bénissons parce que l’aumône est tout à la fois, une œuvre chrétienne et un acte politique.

Riches, voulez-vous que les pauvres vous voient sans aigreur, sans haine, sans jalousie ? Faites comme nos jeunes gens : souvenez-vous d’eux dans vos plaisirs[1].


[1]          Blanc, (A.), Le journal des P.O., 1869.

Danses roussillonnaises sous Napoléon III

Al ball, Danses catalanes par Guiraud, Col. Ville de Perpignan.

« Enfin c’est là (Vernet) que tous les dimanches s’exécutent la danse des baills, ces danses particulières aux habitants du Roussillon, si piquantes et si originales. Ils l’aiment avec passion, et ils s’y livrent avec passion. Elle est vraiment nationale pour eux. Les hommes ouvrent ordinairement lo ball la contredanse, par un contrapas dont le rythme syncopé, accuse une origine grecque pour les uns, arabe pour les autres. 

Tantôt séparés, tantôt tenus par la main, ils forment un grand rond ou dansent sur une même ligne, puis, à un signal donné, les femmes viennent se mêler aux danseurs.

Alors la mesure devient plus précipitée, le rythme musical a changé. Rien n’est plus gracieux, plus pittoresque que cette foule d’hommes et de jeunes femmes aux couleurs éclatantes, bizarrement mêlés et toujours sans cohue.

Mais le point d’orgue ! Des groupes se forment, les cavaliers prenant leur dames sous les bras, les soulèvent ensemble et figurent une pyramide dont le sommet offre les têtes gracieuses des femmes et la base les jambes musculeuses des hommes. Les plus adroits élèvent différemment leur danseuse, et, par un tour de force et d’adresse, les placent sur la main comme sur un siège[1]


[1]          Silhol, (H.), Thermes Mercader, notice sur les eaux minérales sulfureuses de Vernet (Pyrénées-Orientales), Montpellier, 1851, p.9.

Perpignan à L’avènement de Napoléon III : étranges réglementations

« Le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte ne pouvait manquer de produire une vive agitation dans les départements du Midi. Patrie du savant Arago, le département des Pyrénées-Orientales, appartenait presque entièrement à l’opinion démocratique, et la constitution républicaine devait nécessairement y trouver un grand nombre de défenseurs.

…/…Telle était la situation à Perpignan, chef-lieu, lorsque la nouvelle du coup d’État y arrive dans l’après-midi du 4 décembre 1851. Aussitôt un rassemblement tumultueux se forma devant la préfecture. Il fut dissipé, non sans peine par la troupe, qui fit quelques arrestations. Le lendemain, l’arrêté suivant du maire de Perpignan, était affiché sur les murs de cette ville :

Cet arrêté était signé Lloubes, maire de Perpignan et contresigné par le préfet Dulimbert.

« Considérons qu’il importe que, dans les circonstances présentes, chacun de montre à) découvert, et qu’aucun méfait ne puisse demeurer impuni,

Arrêtons :

Art. 1 : A partir de ce jour, et jusqu’à nouvel ordre, il est défendu de sortir la nuit, la tête couverte d’un capuchon ou de tout autre objet empêchant de reconnaître les personnes.

Art.2 : Il est également défendu de sortir la nuit la figure enveloppée d’écharpes, ou autres objets, pouvant empêcher de reconnaître les personnes

Art.3 : Il est également défendu de sortir déguisé de façon quelconque.

Art.4 : Les contrevenants au présent arrêté seront mis à la disposition de l’autorité compétente, pour être poursuivis conformément aux Lois.

Art.5 : Les commissaires de Police et les agents de la force publique sont chargés de l’exécution du présent arrêté. »

Pendant 48 heures, le calme parut complètement rétabli et l’on écrivait de Perpignan, le 7 décembre : Le département a repris sa physionomie accoutumée. Partout on adhère avec empressement aux mesures adoptées par le chef de l’État. L’effet produit par les dernières dépêches est immense, les honnêtes gens sont dans la joie. La tranquillité règne partout dans le département.

Cela n’était qu’à moitié vrai : si le préfet, M. Pougeard-Dulimbert et M. le Maire, de Perpignan Auguste Lloubes, avaient donné leur adhésion aux décrets du président de la République, plusieurs personnages importants dans le département l’avaient refusée, entre autre MM Cammès, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, et Cartène, ingénieur ordinaire, qui, pour ce refus, furent suspendus de leurs fonctions.

Et puis si Perpignan était tranquille, il s’en fallait de beaucoup qu’il s’en fut de même dans tout le département. A Estagel, par exemple, le dimanche 7, des groupes nombreux se formèrent dans les rues et parcoururent la ville en chantant la Marseillaise, et l’émeute ne tarda pas à devenir menaçante.

…/…Une grande agitation se manifesta également à Thuir, à Villelongue, à Collioure, à Prades. Partout furent faites de nombreuses arrestations, dans les trois arrondissements de Perpignan, de Prades et de Céret, leur nombre s’élevait à plus de  deux cents, et ce nombre fut doublé, par les captures qu’opéra ensuite l’autorité militaire[1]. »


[1]          Decembre, (J.), Alonnier (E.), Histoire des Conseils de guerre de 1852, ou Précis des événements survenus dans les départements a la suite du coup d’État de décembre 1851, Paris, 1869.

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