L’abandon du caractère si particulier des costumes locaux au profit de l’uniformité de l’habillement « parisien » est très tôt dénoncé.

Costume local et tenue de ville, Basterot et Bayot, ermitage de Galamus.

En 1842, Henry indique que «c’est avec un vif regret que nous voyons l’insipide casquette détrôner le brillant et patriotique bonnet catalan même dans la Cerdagne. C’est ainsi que se perdent insensiblement tous les usages et costumes locaux tant respectés et si fidèlement maintenus par les ancêtres, et que les populations, en cessant d’être elles mêmes, ne sont que de pâles copies des autres et l’insignifiante répétition de ce qu’on voit partout [1]

Il est relayé en cela par Etienne Arago [2] (1802- 1892), le frère du physicien. Dans le poème romantique intitulé « Aux Roussillonnais » [3], il se lamente : «Du sud au nord, un voile de tristesse semble étendu depuis que chaque front porté si haut jadis par la jeunesse s’est engouffré sous un noir chapeau rond. Comme elle, au jour des glorieuses dates, la liberté naguère vous coiffait ! De son bonnet aux couleurs écarlates, ô mes amis, parlez, qu’avez-vous fait? La cornemuse est aussi détrônée, l’ophicléide est son usurpateur, la castagnette est même abandonnée, on a proscrit son bruit provocateur. Et de ce saut sur la main vigoureuse, où le danseur fièrement triomphait, en élevant dans les airs sa danseuse…ô mes amis, parlez, qu’avez-vous fait?  »

Joseph Sirven, dans le même bulletin lui répond en scandant : «Rassure toi, ce dépôt de nos pères, avec orgueil nous l’avons conservé [4]

L’uniformisation des modes a aussi pour cause l’augmentation des voyageurs, ces premiers touristes ou curistes qui, passant dans des régions autrefois reculées, donnent à voir les dernières modes citadines.

En 1846, les dangers de ce tourisme thermal sur les modes locales sont dénoncés. « Depuis, enfin, que s’augmente l’affluence des étrangers aux sources thermales des Pyrénées, que la fashion se répand dans toutes les vallées, que le roman à la mode pénètre dans les hameaux les plus reculés, la coiffure de feutre détrône le classique béret, et le tissu de paille fait repousser le pudique capulet que porte leurs mères [5].»

Le costume évolue tangiblement vers des formes standardisées et l’attrait pour la mode demeure l’un des fondements de la culture roussillonnaise. L’habillement catalan disparaît peu à peu comme le signe de la lente agonie d’un monde ancien. La bourgeoisie citadine, autrefois faiseuse des modes locales, semble définitivement attirée par le costume français. Paris, capitale qui se veut le vecteur hégémonique des costumes, des langues et des traditions des populations qui composent alors la France, n’a toutefois pas gagné la partie comme nous le verrons pour les périodes napoléon III et la fin du XIXe siècle.


[1]              Henry, Le guide en Roussillon, 1842, p.245.

[2]              Il fut à la fois dramaturge et homme politique et devint maire de Paris en 1870.

[3]              SASL des PO, 1840, p.348-349.

[4]              Idem, p.350-352.

[5]          Nore, (A. de), Coutumes, mythes et traditions des provinces de France, Paris, 1846.