Parmi les femmes qui eurent un grand rôle dans l’évolution de la mode locale, nous ne pouvons passer sous silence Antoinette Durand, née de çagarriga. Issue de la noblesse la plus ancienne du Roussillon, la jeune Antoinette allait passer une dizaine d’années à se former et recevoir une bonne éducation à l’Institution de la Légion d’Honneur, à Saint Denis près de Paris. Jeune femme à Perpignan, elle est mariée à l’un des meilleurs partis de la ville. Antoinette possède une beauté certaine mise en relief par un caractère vif, un grand esprit littéraire et une bonté religieuse assumée. Dans les correspondances qui lui furent adressées tout au long de sa vie, certains célèbreront la « limpidité de vos yeux et la délicate fraîcheur de votre figure…vos bandeaux s’harmonisent à merveille avec votre ovale parfait….je vous souhaite de rester la plus belle toujours.»

Portrait d’Antoinette Durand

Le poète Duvernuy fit rimer quelques vers en son honneur : « Madame, vous avez la beauté souveraine, La grâce de l’enfant, la pose d’une reine, Vous avez la beauté que l’on rêve la nuit lors qu’enivrés de vivre, nous écoutons des chants amoureux que nous livre une brise d’été.»

On retrouve le souvenir de la belle Antoinette notamment au travers des mémoires du général de Castellane. Lors d’un bal à l’hôtel de l’Europe, il nous apprend que «le jeune lieutenant Leflo du 2ème léger a fait à un galop monstre, sauter outre mesure la belle madame Durand de Çagarriga, épouse du banquier Justin Durand. La dame y prenait goût, le mari, pas du tout. Il lui a fait quitter la place, ce qui a été assez drôle [1].»

Suite à d’autres petits incidents, le général de Castellane quitta l’hôtel de l’Europe pour un appartement en ville à la rue Mailly. « Au bal de 1835, à cause de la pluie battante on ne compta que trois cents convives, et seulement cinquante femmes. Dans ce pays-ci, on compte sur le beau temps et les dames de la société viennent au bal à pied. Plusieurs cependant sont venues dans leur équipage de campagne. Toujours madame Durand, vit son attelage accrocher un char à bancs à glaces qui contenait les femmes du médecin, du chirurgien en chef et du directeur de l’hôpital militaire. Il fut remarqué à ce bal les toilettes, fort recherchées, des dames, il y avait de belles personnes, et abondance d’officiers pour danser.»

La jeune Antoinette était une personne très belle et pleine de vie. Son aura provenait autant de son esprit, de sa bonté et de ses amitiés littéraires, que de sa façon de paraître au quotidien comme lors des réceptions.


[1]              Ruffiandis, (L.), Le général de Castellane à Perpignan, SASL des PO, 1956, p.137.