En pleine période romantique, enivrons-nous de cette ambiance si bien transcrite dans ce texte anonyme :

« Je l’aime ce pays, non parce qu’il est à moitié inculte, peuplé de moines et de mendiants : pareil tableau ne me sourira jamais, mais je naquis sur les Pyrénées, le premier souffle d’air qui caressa mon visage était venu d’Espagne. Les premiers chants qui frappèrent mon oreille furent des romances catalanes. J’ai vu nos paysans ; ils ne sont ni basques, ni béarnais, ces peuplades, toutes distinctes, avec lesquelles on s’est plus à les confondre, ont leur mœurs, leurs coutumes, une sorte de langage national.

Le Roussillon, après deux siècles de conquête, semble encore un fief des comtes de Barcelone. Ses habitants, surtout dans les parties hautes du pays, sont graves et fiers, quelque chose de patriarcal semble présider leur vie, austère.

On dirait à leur démarche silencieuse, des nobles hidalgos, mais sous le ciel embrasé du Midi, les passions n’attendent qu’une étincelle pour s’enflammer. Que de fois me suis-je cru en Espagne, au milieu des montagnes du Vallespir et de la Cerdagne, quand le bonnet rouge des contrebandiers catalans brillait, au soleil levant, sur le crête des rochers. J’admirais la hardiesse de ces hommes, bondissants comme l’isard à la suite de leur chef.

Ils passaient auprès de moi, me saluant, sans me regarder, d’un bon dia, et bientôt le détour sinueux de la montagne, les faisaient disparaître de ma vue. Des croix en pierres s’élevaient de distance en distance, pour servir de jalons aux muletiers, quand la neige s’entasse sur le sentier battu.

Une fois je trouvais auprès d’un oratoire un ermite, tout couvert de coquilles, déjeunant avec des oignons crus. Ce brave homme avait à son dire, fait trois fois le pèlerinage de Santiago de Compostela. Il m’offrir un chapelet et quelques petites croix rouges, fabriquées par ses confrères de Montserrat.

J’aimais à rechercher l’hospitalité dans la chaumière enfumée du montagnard, les chèvres paissaient à quelques distance, leur lait parfumé me semblait le mets le plus délicieux. Qu’ils étaient loin de moi les jours de fête de la capitale, et que les pompes de l’art me paraissaient petites à coté de celles de la nature! Le ciel le plus pur resplendissait au dessus de ma tête, les montagnes se déployaient à mes regards, avec leurs crêtes tantôt couvertes de pins, tantôt étincelantes de frimas, et de leur sommet gigantesque, la plaine, découpée en damier, se perdait insensiblement à l’horizon, dans le ruban bleu de la Méditerranée[1]. »

Variétés des costumes

L’aplec ou fête votive de Font-Romeu est une occasion rêvée d’être confronté à une multitude de costumes de différentes vallées. « C’était à la fin de septembre 1821. Je me trouvais à Font-Romeu, à l’époque de cette fête renommée qui ramène tous les ans sous l’ombrage de ses pins, la foule des pèlerins et des curieux. La caravane dont je faisais partie n’arriva pas à temps pour assister à la messe qui ouvre la fête et force fut de nous contenter du spectacle que nous avions sous les yeux. Il était magnifique : c’est un coup d’œil dont le pinceau du peintre ne peut rendre qu’imparfaitement la beauté.

A nos pieds, s’agitait en tous sens une multitude bariolée de diverses couleurs, ici l’Espagnole avec sa noire résille qui retenait ses cheveux partagés en tresses, plus loin la Cerdanyole française au jupon court, au corset de velours lacé en nœuds de soie, l’habitant de la plaine avec son chapeau à rebords évasés, le montagnard avec son bonnet et sa ceinture rouge, sa veste ronde chargée de broderies, et ses espadrilles de cordes[2]

S. Leveillée, Costumes de Cerdagne, du Roussillon et du Languedoc, vers 1820, MUCEM.

En effet, la Cerdagne produisait depuis longtemps des articles de bonneterie tricotés par ses habitants lors de la saison hivernale. Ensuite, « ils vont dans toute la France pendant l’automne vendre l’immense quantité de bas fabriqués et tricotés par eux pendant la durée de l’hiver précédent[3].»


[1]              Le Publicateur, 1833, p.14.

[2]          Le Publicateur, 1833, p.15.

[3]              ADPO, 2 J 35/1, rapport de la Préfecture, 1814.