On ne saurait passer sous silence la production de châles parisiens confectionnés avec le duvet de chèvres du Tibet élevées à la bergerie royale (Mas Coll) de Perpignan. Arrivées par bateau à Marseille sous l’impulsion de l’industriel Ternaux, les chèvres sont installées à Perpignan en 1818.

En 1820, de nombreux chevreaux étaient déjà nés, laissant présager que « dans peu d’années, nous aurons des cachemires comme il est facile d’avoir des mérinos. Nos élégantes petites maîtresses vont se bien trouver de ceci, à moins que la mode et le luxe orgueilleux ne les rendent inconstantes et ne leur fasse préférer quelque nouveau tissu qui n’aura ni le moelleux, ni la beauté du duvet tibétain. La mode a ses bizarreries, et nos françaises sont bien capables d’envoyer plus loin qu’au Tibet les complaisants voyageurs chargés de satisfaire leurs frivoles caprices[1]

A l’exposition de 1824 une pièce de cachemire, fabriquée par M. Hildenlang fils ainé de Paris, avec le duvet de ces fameuses chèvres de race kirguises, attire l’attention :

« L’étoffe en est admirablement travaillée, fine et soyeuse, et transparente comme la mousseline[2]

En 1828, le Calendrier de Perpignan (Alzine éditeur) précise que c’est M. Audusson qui est régisseur de l’établissement des mérinos et des chèvres du Tibet du Mas Coll.

On parle alors du succès de l’« industrie qui a rendu le Cachemire célèbre, la fabrication des châles. Monsieur Ternaux voulut se procurer les animaux qui portent le duvet si précieux dans leur toison. Tout le monde sait ce qu’il entreprit dans ce but, secondé par le savant Jaubert, et comment l’un et l’autre enrichirent la France d’un troupeau de chèvres kirguises[3]».

L’entreprise fut malheureusement un échec. Les chèvres ne s’acclimatèrent pas aux changements de température de la plaine du Roussillon. Il y fait, certes, très froid l’hiver par tramontane, mais étouffant l’été.


[1]              Feuille d’affiches, annonces et avis divers, 1820, p.321.

[2]          Annuaire historique universel, 1824, p.871.

[3]          Montor, (A. de), Encyclopédie des gens du monde: répertoire universel des sciences …, 1834, volume 4, p.421.