La Saint Charles est l’occasion pour Charles X de créer chaque année, à date fixe, une « fête du Roi » nationale, supprimant ainsi la Saint Louis célébrée lors du règne précédent. La première de ces célébrations eut lieu en 1825, lors de son sacre.

Un an plus tard, le 29 mai 1825, on voit à Perpignan des salves d’artilleries, la distribution de pain aux indigents, une messe en la cathédrale. Dès une heure de l’après midi, commencent les danses sur la place de la Loge.

Deux fontaines de vin y sont aussi établies. « A quatre heures de l’après-midi, il sera jeté sur le peuple sur la dite place de la Loge de la dragée et quelques pièces de monnaie, par le corps municipal. A cinq heures de l’après-midi, un exercice d’équitation aura lieu gratuitement sur l’esplanade de la Réal. A huit heure il y aura des illuminations à l’hôtel de la Préfecture, à celui de la Mairie, et à tous les édifices publics, et les diverses salles de la Mairie seront ouvertes au public. Les habitants sont invités à orner les croisées de leurs maisons de drapeaux blancs, et à les illuminer pendant la nuit[1]. »

Après les prières et les exercices militaires diurnes, « la nuit offre un autre genre de plaisir. Une immense population parcourait les rues pour voir les illuminations, et s’arrêtait de préférence sur la place de la Loge, où les cafés qui forment la ligne opposée à l’hôtel de la Mairie, avaient voulus rivaliser avec cet édifice public. Le café Désarnaud méritait surtout d’être distingué. Les maisons des habitants ne laissaient également rien à désirer sous ce rapport. On voyait partout les démonstrations de la joie publique[2]

Le journal local est expansif, et probablement excessif face à l’adhésion réelle de l’ensemble des Roussillonnais pour cette monarchie retrouvée. Tous, semble -t-il, participent dans leurs plus belles tenues à ces réjouissances collectives.

«Vive le Roi ! Vivent les bourbons ! Les Perpignanais répondront toujours avec les plus vifs transports à ce cri français, à cette acclamation vraiment nationale. Leurs cœurs ne cesseront jamais de battre pour la légitimité. Le Roi et les Bourbons ! Tel sera en tout temps le cri d’honneur de la ville très fidèle. Mais un devoir d’équité nous rappelle aux autres villes et communes des Pyrénées-Orientales.

Les Roussillonnais partagent les mêmes sentiments, et l’ont constamment démontré. La saint Charles leur en a fourni une nouvelle occasion, ils l’ont saisie avec une vive ardeur. Les chefs-lieux des arrondissements, ceux des cantons, les communes de Caudiès, d’Elne, Saint Laurent de la Salanque, Bompas, Collioure, Arles, Saint Laurent de Cerdans, Ille, Villefranche, etc, auraient les mêmes droits, il faudrait tout nommer. Il est juste cependant de signaler entre toutes, la ville de Prats de Mollo.

Les vœux, les prières pour attirer les bénédictions du ciel sur le monarque, les démonstrations d’amour, de dévouement et d’allégresse ont été partout vives et unanimes, mais les détails offrent ici un caractère plus piquant, plus propre à donner une juste idée de ce que ont été les autres fêtes du département…/…

A sept heures du soir, les autorités civiles, accompagnées d’un grand nombre d’habitants, que précédait un corps de musique, parcoururent les divers quartiers de la ville, la plupart illuminés.  Ils vinrent ensuite allumer un feu de joie sur la place Charles X, et des danses publiques succédèrent à cette annonce de la fête. Les salves se renouvelèrent le lendemain matin, dès le point du jour.

A dix heures les diverses autorités se réunirent à l’église pour assister à une grand-messe. Après la messe, des distributions de vivres et d’argent furent faites aux indigents. Un banquet de quarante couverts ou se trouvaient réunis tous les fonctionnaires et divers notables de la ville, eut lieu à midi et divers toasts furent portés. Une fontaine de vin fut ouverte au peuple sur la place Charles X.

Les danses publiques et divers autres divertissements continuèrent jusqu’au soir. Un feu d’artifice tiré à huit heures devant l’hôtel de la mairie fut l’occasion de quelques instants d’une agréable interruption. La ville était illuminée sur ces entrefaites, et les danses publiques recommencèrent pour ne s’achever qu’à dix heures du soir. Un bal paré auquel ont assisté M. le lieutenant du Roi de la place, M.M. les officiers de la garnison, et tous les notables de la ville fut ouvert, plus tard, chez monsieur le Maire et prolongé jusqu’au lendemain[3]. »

A Prades, ces fêtes se terminent aussi par un bal brillant et populaire donné par le corps des officiers du troisième régiment d’infanterie de ligne.

Rivesaltes a déployé « la plus grande pompe, et ses habitants se sont livrés unanimement à la joie la plus expansive. Après les cérémonies religieuses, on a ouvert les danses publiques, qui, pendant toute la journée, ont été très brillantes. Mais c’est le soir principalement que le peuple s’est le plus réjoui. La place était éclairée par plus de deux mille lampions, symétriquement arrangés sur les diverses façades, figurant les dessins les plus variés.

A neuf heures et demi, l’attente publique a été satisfaite par un feu d’artifice, que l’administration municipale a eu le soin de faire préparer par l’artiste de Perpignan si bien fâmé pour ce genre de spectacles, le nommé Mr Bousquet. C’est dire que tout a réussi, que la jouissance qu’il a procuré à plus de quatre mille spectateurs a été complète.

Il est à remarquer qu’un grand nombre d’habitants des communes voisines étaient accourus pour jouir de ce divertissement. Après le feu d’artifice, les danses se sont encore prolongées jusqu’à minuit, et de nouveaux amusements ont commencés.

Une quantité de pétards serpenteaux, lancés sur la foule, y répandaient momentanément l’épouvante et le désordre, les dames même les plus élégantes n’étaient pas à l’abri, il y a eu des cris, des coiffes et des dentelles trouées, des robes légèrement roussies, sans que personne n’ait songé à se fâcher, tant la réjouissance était grande. C’était une véritable fête de famille[4]

A Perpignan les années suivantes, les festivités commencent par une messe à la cathédrale suivie d’un Te Deum. En 1827, « à six heures, un grand dîner a été donné pour les élites de la ville par le baron de Rottenbourg, lieutenant général, commandant la division. Puis ce fut au tour du Préfet, le marquis d’Auberjon, de recevoir ses hôtes pour un bal brillant qui s’est prolongé tard dans la nuit».

Places et rues étaient illuminées. C’est à madame la marquise d’Auberjon, épouse du Préfet, que revint l’honneur d’allumer depuis le grand balcon du Théâtre, donnant sur la place Royale, « le dragon qui a communiqué le feu à la première pièce de l’artifice[5]


[1]              JPO, 1825, p.367.

[2]              JPO, 1825, p.371.

[3]              JPO, 1825, p.130, 131.

[4]              JPO, 1825, p.373, 374.

[5]              JPO, 1827, p.595.