La duchesse de Berry

En 1829, le passage à Perpignan de la duchesse de Berry, de son père, le Roi des Deux-Siciles et de sa belle-mère Marie-Isabelle d’Espagne fut un événement d’une grande magnificence. Ils rejoignent Madrid où Marie-Isabelle exercera la charge de régente du trône d’Espagne. Descendus à l’Hôtel de la Préfecture, les honneurs civils et militaires leur sont rendus hormis la remise des clefs de la ville.

Le maire André Grosset accueille le Roi avec sa suite dans une calèche découverte à l’entrée de la ville, « au milieu d’un concours immense de population[1]», il les accompagne dans les rues de Perpignan jusqu’à la Préfecture ou un repas réunit toutes les personnalités civiles et militaires de la ville et des arrondissements.

Le lendemain, les infants partent très tôt pour l’Espagne.  Le Roi et sa famille prennent le temps de visiter la citadelle.

« A son retour, le Roi et sa famille ont parcouru en calèche découverte les place où se tient actuellement la foire de la Saint Martin, et se sont rendus à la cathédrale. L’église était remplie de fidèles. Après l’Exaudit, leurs altesses ont bien voulu honorer de leur présence une fête champêtre que le corps municipal avait préparé ou plutôt improvisé sur les glacis. »

Les danses catalanes étaient jouées à l’intérieur de l’enclos habituel, et «une jeune et très belle demoiselle de Perpignan, a eu la pensée de profiter de cette occasion pour présenter des fleurs à ces augustes personnages. L’à-propos était des plus heureux et son bouquet a été agréé avec des marques visibles de satisfaction. »

S’en suivit une série de cadeaux, souvent précieux, octroyés à des personnes méritantes. «Avant son départ, sa majesté sicilienne a fait cadeau d’une tabatière en or, ornée de son chiffre en diamants, à monsieur Romain, préfet du département, et lui a remis en même temps vingt et une montres en or, pour être distribuées à Messieurs les officiers de la gendarmerie qui l’ont escorté pendant toute sa route depuis les Alpes jusqu’aux Pyrénées. Chaque montre porte une étiquette qui indique sa destination. M. le baron Guiraud de Saint-Marsal, colonel directeur du Génie, a également reçu de sa majesté une montre

La duchesse de Berry quant à elle accompagne le convoi jusqu’à la frontière et s’en retourne à Perpignan « en déclarant qu’elle reprenait l’incognito. M. le Baron Romain, M. le Vicomte d’Arnaud, et M. Delon, secrétaire général de la Préfecture, ont eu l’honneur de dîner avec son altesse royale et de l’accompagner ensuite au spectacle. Des couplets analogues à l’heureuse circonstance qui a procuré à la ville de Perpignan la présence de tant d’augustes personnages, ont été chantés. Madame a paru les entendre avec satisfaction, et a prêté ensuite une bienveillante attention à la représentation de Madame Saint-Agnès, pièce écrite avec esprit et qui a été fort bien jouée. Son altesse royale est allée le 13, visiter le cloître d’Elne, où se trouvent quelques restes de monuments antiques. Elle s’est rendue, de là, à Collioure et à Port-Vendres

Le journal de l’époque évoque pour ces manifestations populaires un véritable sentiment de vénération et d’amour des Catalans pour cette altesse si belle et si brillante.

Les habitants s’étaient empressé « de se parer de leurs habits de fête, de se porter sur ses pas et de lui offrir des fleurs comme gage d’un bonheur inespéré ».

A Collioure, les habitants s’étaient joints aux autorités et à l’arrivée comme au départ, les acclamations se font entendre. Arrivés à Port-Vendres, après avoir examiné l’obélisque, les magasins du port et le fanal, le cortège monte à bord d’embarcations, partant de la presqu’île et rejoignant le quai de l’obélisque où se trouvait le brick le Brennus. Pendant sa promenade en mer, «les croisées des maisons qui bordent les deux côtés du port étaient occupées par des dames qui agitaient leurs mouchoirs, et mêlaient leurs acclamations avec celles de la foule qui se pressait sur les quais».

A Perpignan, les monuments sont illuminés chaque soir et la préfecture se pare d’un décor éphémère du à l’architecte Prosper de Basterot. Quelques jours plus tard, toute ferveur est retombée, les lampions et les décors sont enlevés. «Ces ornements d’une fête ont tous disparus. L’heureux souvenir de la présence de son altesse royale Madame, duchesse de Berry, et de ses augustes parents, reste et ne se perdra point[2].»


[1]              Le défenseur de la monarchie et de la charte, 20 nov. 1829, n.11.

[2]              JPO, 1829, 28/11.