Le Chevalier de La Grange indique en 1787 :

« Les artisans et les bourgeois s’assemblent souvent entre-eux et dansent au son d’un chalumeau, une danse monotone, qui est toujours la même mais ils ne manquent jamais la mesure. Ces assemblées sont annoncées le matin par le chant mélodieux de l’instrument dont je viens de parler, et donne en même temps le signal de mettre le bas blanc. C’est toujours en l’honneur de quelque saint [1] »

Sa description reste bien imprécise et comme le souligne en son temps le médecin Carrère, elle nous donne toutefois une jolie expression : « mettre le bas blanc » quand il s’agit d’aller danser. Il semble qu’il s’agisse ici du contrepas qui est la première tirade des « danses » qui en Roussillon sont très codifiées.

Ces danses catalanes « font partie des fêtes que la ville de Perpignan donne dans les grandes occasions. On entoure alors la place de l’Hôtel de Ville d’une enceinte de bois, d’environ vingt pieds de haut. On la couvre de décorations destinées à cet objet. On place aux quatre angles extérieurs quatre fontaines à vin, et l’on met grand nombre de musiciens du pays sur un échafaud orné de même que l’enceinte. Vingt-quatre femmes d’artisans habillées très proprement à la catalane, et un nombre pareil d’hommes de leur état, sont chargés par les officiers municipaux d’en faire les honneurs. Ces quarante-huit personnes ouvrent ce bal tous les jours, après quoi ils y reçoivent tantôt les dames, tantôt la bourgeoisie, tantôt les femmes de leur état. Le jour ou le bal est masqué, personne à l’exception des quarante-huit, ne peut y être reçu qu’en habit de masque. C’est alors un très beau coup d’œil. La place décorée, couverte d’une foule prodigieuse portant des costumes aussi variés que multipliés, éclairée d’une grande quantité de flambeaux, les croisées de la place et les balcons de l’Hôtel de Ville remplis de personnes de tous états, un mouvement vif et animé, varié, et continuel dans le milieu, forment un ensemble qui frappe agréablement les yeux du spectateur [2]. »

Cette description montre l’importance des états, ces classes sociales bien distinctes que la Révolution va essayer de balayer.

Dans son Essai sur la statistique du département des Pyrénées-Orientales, Jacques Delon, secrétaire général de la Préfecture indique toutefois que les différences de statuts sociaux se retrouvent toujours dans l’habillement : « les citoyens des premières classes sont vêtus à la française. Il y a peu de luxe dans les habits et dans les ameublements. L’habillement des journaliers, des paysans et de la plus grande partie des artisans est composé d’une veste courte, d’un gilet et d’un pantalon. Un bonnet de laine rouge leur tient lieu de chapeau dans toutes les saisons de l’année. Leurs femmes portent un corset et une jupe, et un capuchon qui leur couvre la tête et les épaules [3]. »


[1]              Chevalier de La Grange, Essai historique et militaire sur la province du Roussillon, 1787.

[2]              La Harpe, (J.-F. de), Abrégé de l’Histoire générale des Voyages continué par Comeiras, Volume 37, 1804, p.344. Cet auteur reprend une description antérieure à la Révolution française.

[3]              Delon (J.), Le Roussillon après la révolution, texte annoté par Etienne Fresnay, SASL des PO, 1993, p.72.