Bien connue en Roussillon, la chanson catalane « la Bepa » fut utilisée par les royalistes locaux comme hymne afin de glorifier la duchesse de Berry. On retrouve dans les paroles un sens politique, notamment dans l’usage du tablier que la Bépa ne cesse de laver.
« La «bépa», c’était la duchesse de Berry, qui, à leur grès, n’agissait pas assez vite et perdait un temps précieux. Mais où est-elle ? Mais que fait-elle ? Et l’on consolait aussitôt ces impatients en répondant : Elle est à la rivière, elle lave le tablier !
Ce tablier, c’était le drapeau tricolore qu’il fallait laver, c’est-à-dire qu’il fallait faire disparaître le rouge et le bleu, pour n’y laisser que le blanc, avec les fleurs de lys, bien entendu. Et le refrain s’en expliquait assez : flors de liri, lliri, flor de lliri blanch[1]. »
[1] Amade, (J.), Mélanges de folklore, 1935, p.138. Amade cite Rodolphe Bonet, avocat à Céret.
En 1829, le passage à Perpignan de la duchesse de Berry, de son père, le Roi des Deux-Siciles et de sa belle-mère Marie-Isabelle d’Espagne fut un événement d’une grande magnificence. Ils rejoignent Madrid où Marie-Isabelle exercera la charge de régente du trône d’Espagne. Descendus à l’Hôtel de la Préfecture, les honneurs civils et militaires leur sont rendus hormis la remise des clefs de la ville.
Le maire André Grosset accueille le Roi avec sa suite dans une calèche découverte à l’entrée de la ville, « au milieu d’un concours immense de population[1]», il les accompagne dans les rues de Perpignan jusqu’à la Préfecture ou un repas réunit toutes les personnalités civiles et militaires de la ville et des arrondissements.
Le lendemain, les infants partent très tôt pour l’Espagne. Le Roi et sa famille prennent le temps de visiter la citadelle.
« A son retour, le Roi et sa famille ont parcouru en calèche découverte les place où se tient actuellement la foire de la Saint Martin, et se sont rendus à la cathédrale. L’église était remplie de fidèles. Après l’Exaudit, leurs altesses ont bien voulu honorer de leur présence une fête champêtre que le corps municipal avait préparé ou plutôt improvisé sur les glacis. »
Les danses catalanes étaient jouées à l’intérieur de l’enclos habituel, et «une jeune et très belle demoiselle de Perpignan, a eu la pensée de profiter de cette occasion pour présenter des fleurs à ces augustes personnages. L’à-propos était des plus heureux et son bouquet a été agréé avec des marques visibles de satisfaction. »
S’en suivit une série de cadeaux, souvent précieux, octroyés à des personnes méritantes. «Avant son départ, sa majesté sicilienne a fait cadeau d’une tabatière en or, ornée de son chiffre en diamants, à monsieur Romain, préfet du département, et lui a remis en même temps vingt et une montres en or, pour être distribuées à Messieurs les officiers de la gendarmerie qui l’ont escorté pendant toute sa route depuis les Alpes jusqu’aux Pyrénées. Chaque montre porte une étiquette qui indique sa destination. M. le baron Guiraud de Saint-Marsal, colonel directeur du Génie, a également reçu de sa majesté une montre.»
La duchesse de Berry quant à elle accompagne le convoi jusqu’à la frontière et s’en retourne à Perpignan « en déclarant qu’elle reprenait l’incognito. M. le Baron Romain, M. le Vicomte d’Arnaud, et M. Delon, secrétaire général de la Préfecture, ont eu l’honneur de dîner avec son altesse royale et de l’accompagner ensuite au spectacle. Des couplets analogues à l’heureuse circonstance qui a procuré à la ville de Perpignan la présence de tant d’augustes personnages, ont été chantés. Madame a paru les entendre avec satisfaction, et a prêté ensuite une bienveillante attention à la représentation de Madame Saint-Agnès, pièce écrite avec esprit et qui a été fort bien jouée. Son altesse royale est allée le 13, visiter le cloître d’Elne, où se trouvent quelques restes de monuments antiques. Elle s’est rendue, de là, à Collioure et à Port-Vendres.»
Le journal de l’époque évoque pour ces manifestations populaires un véritable sentiment de vénération et d’amour des Catalans pour cette altesse si belle et si brillante.
Les habitants s’étaient empressé « de se parer de leurs habits de fête, de se porter sur ses pas et de lui offrir des fleurs comme gage d’un bonheur inespéré ».
A Collioure, les habitants s’étaient joints aux autorités et à l’arrivée comme au départ, les acclamations se font entendre. Arrivés à Port-Vendres, après avoir examiné l’obélisque, les magasins du port et le fanal, le cortège monte à bord d’embarcations, partant de la presqu’île et rejoignant le quai de l’obélisque où se trouvait le brick le Brennus. Pendant sa promenade en mer, «les croisées des maisons qui bordent les deux côtés du port étaient occupées par des dames qui agitaient leurs mouchoirs, et mêlaient leurs acclamations avec celles de la foule qui se pressait sur les quais».
A Perpignan, les monuments sont illuminés chaque soir et la préfecture se pare d’un décor éphémère du à l’architecte Prosper de Basterot. Quelques jours plus tard, toute ferveur est retombée, les lampions et les décors sont enlevés. «Ces ornements d’une fête ont tous disparus. L’heureux souvenir de la présence de son altesse royale Madame, duchesse de Berry, et de ses augustes parents, reste et ne se perdra point[2].»
[1] Le défenseur de la monarchie et de la charte, 20 nov. 1829, n.11.
La Saint Charles est l’occasion pour Charles X de créer chaque année, à date fixe, une « fête du Roi » nationale, supprimant ainsi la Saint Louis célébrée lors du règne précédent. La première de ces célébrations eut lieu en 1825, lors de son sacre.
Un an plus tard, le 29 mai 1825, on voit à Perpignan des salves d’artilleries, la distribution de pain aux indigents, une messe en la cathédrale. Dès une heure de l’après midi, commencent les danses sur la place de la Loge.
Deux fontaines de vin y sont aussi établies. « A quatre heures de l’après-midi, il sera jeté sur le peuple sur la dite place de la Loge de la dragée et quelques pièces de monnaie, par le corps municipal. A cinq heures de l’après-midi, un exercice d’équitation aura lieu gratuitement sur l’esplanade de la Réal. A huit heure il y aura des illuminations à l’hôtel de la Préfecture, à celui de la Mairie, et à tous les édifices publics, et les diverses salles de la Mairie seront ouvertes au public. Les habitants sont invités à orner les croisées de leurs maisons de drapeaux blancs, et à les illuminer pendant la nuit[1]. »
Après les prières et les exercices militaires diurnes, « la nuit offre un autre genre de plaisir. Une immense population parcourait les rues pour voir les illuminations, et s’arrêtait de préférence sur la place de la Loge, où les cafés qui forment la ligne opposée à l’hôtel de la Mairie, avaient voulus rivaliser avec cet édifice public. Le café Désarnaud méritait surtout d’être distingué. Les maisons des habitants ne laissaient également rien à désirer sous ce rapport. On voyait partout les démonstrations de la joie publique[2].»
Le journal local est expansif, et probablement excessif face à l’adhésion réelle de l’ensemble des Roussillonnais pour cette monarchie retrouvée. Tous, semble -t-il, participent dans leurs plus belles tenues à ces réjouissances collectives.
«Vive le Roi ! Vivent les bourbons ! Les Perpignanais répondront toujours avec les plus vifs transports à ce cri français, à cette acclamation vraiment nationale. Leurs cœurs ne cesseront jamais de battre pour la légitimité. Le Roi et les Bourbons ! Tel sera en tout temps le cri d’honneur de la ville très fidèle. Mais un devoir d’équité nous rappelle aux autres villes et communes des Pyrénées-Orientales.
Les Roussillonnais partagent les mêmes sentiments, et l’ont constamment démontré. La saint Charles leur en a fourni une nouvelle occasion, ils l’ont saisie avec une vive ardeur. Les chefs-lieux des arrondissements, ceux des cantons, les communes de Caudiès, d’Elne, Saint Laurent de la Salanque, Bompas, Collioure, Arles, Saint Laurent de Cerdans, Ille, Villefranche, etc, auraient les mêmes droits, il faudrait tout nommer. Il est juste cependant de signaler entre toutes, la ville de Prats de Mollo.
Les vœux, les prières pour attirer les bénédictions du ciel sur le monarque, les démonstrations d’amour, de dévouement et d’allégresse ont été partout vives et unanimes, mais les détails offrent ici un caractère plus piquant, plus propre à donner une juste idée de ce que ont été les autres fêtes du département…/…
A sept heures du soir, les autorités civiles, accompagnées d’un grand nombre d’habitants, que précédait un corps de musique, parcoururent les divers quartiers de la ville, la plupart illuminés. Ils vinrent ensuite allumer un feu de joie sur la place Charles X, et des danses publiques succédèrent à cette annonce de la fête. Les salves se renouvelèrent le lendemain matin, dès le point du jour.
A dix heures les diverses autorités se réunirent à l’église pour assister à une grand-messe. Après la messe, des distributions de vivres et d’argent furent faites aux indigents. Un banquet de quarante couverts ou se trouvaient réunis tous les fonctionnaires et divers notables de la ville, eut lieu à midi et divers toasts furent portés. Une fontaine de vin fut ouverte au peuple sur la place Charles X.
Les danses publiques et divers autres divertissements continuèrent jusqu’au soir. Un feu d’artifice tiré à huit heures devant l’hôtel de la mairie fut l’occasion de quelques instants d’une agréable interruption. La ville était illuminée sur ces entrefaites, et les danses publiques recommencèrent pour ne s’achever qu’à dix heures du soir. Un bal paré auquel ont assisté M. le lieutenant du Roi de la place, M.M. les officiers de la garnison, et tous les notables de la ville fut ouvert, plus tard, chez monsieur le Maire et prolongé jusqu’au lendemain[3]. »
A Prades, ces fêtes se terminent aussi par un bal brillant et populaire donné par le corps des officiers du troisième régiment d’infanterie de ligne.
Rivesaltes a déployé « la plus grande pompe, et ses habitants se sont livrés unanimement à la joie la plus expansive. Après les cérémonies religieuses, on a ouvert les danses publiques, qui, pendant toute la journée, ont été très brillantes. Mais c’est le soir principalement que le peuple s’est le plus réjoui. La place était éclairée par plus de deux mille lampions, symétriquement arrangés sur les diverses façades, figurant les dessins les plus variés.
A neuf heures et demi, l’attente publique a été satisfaite par un feu d’artifice, que l’administration municipale a eu le soin de faire préparer par l’artiste de Perpignan si bien fâmé pour ce genre de spectacles, le nommé Mr Bousquet. C’est dire que tout a réussi, que la jouissance qu’il a procuré à plus de quatre mille spectateurs a été complète.
Il est à remarquer qu’un grand nombre d’habitants des communes voisines étaient accourus pour jouir de ce divertissement. Après le feu d’artifice, les danses se sont encore prolongées jusqu’à minuit, et de nouveaux amusements ont commencés.
Une quantité de pétards serpenteaux, lancés sur la foule, y répandaient momentanément l’épouvante et le désordre, les dames même les plus élégantes n’étaient pas à l’abri, il y a eu des cris, des coiffes et des dentelles trouées, des robes légèrement roussies, sans que personne n’ait songé à se fâcher, tant la réjouissance était grande. C’était une véritable fête de famille[4].»
A Perpignan les années suivantes, les festivités commencent par une messe à la cathédrale suivie d’un Te Deum. En 1827, « à six heures, un grand dîner a été donné pour les élites de la ville par le baron de Rottenbourg, lieutenant général, commandant la division. Puis ce fut au tour du Préfet, le marquis d’Auberjon, de recevoir ses hôtes pour un bal brillant qui s’est prolongé tard dans la nuit».
Places et rues étaient illuminées. C’est à madame la marquise d’Auberjon, épouse du Préfet, que revint l’honneur d’allumer depuis le grand balcon du Théâtre, donnant sur la place Royale, « le dragon qui a communiqué le feu à la première pièce de l’artifice[5].»
On ne saurait passer sous silence la production de châles parisiens confectionnés avec le duvet de chèvres du Tibet élevées à la bergerie royale (Mas Coll) de Perpignan. Arrivées par bateau à Marseille sous l’impulsion de l’industriel Ternaux, les chèvres sont installées à Perpignan en 1818.
En 1820, de nombreux chevreaux étaient déjà nés, laissant présager que « dans peu d’années, nous aurons des cachemires comme il est facile d’avoir des mérinos. Nos élégantes petites maîtresses vont se bien trouver de ceci, à moins que la mode et le luxe orgueilleux ne les rendent inconstantes et ne leur fasse préférer quelque nouveau tissu qui n’aura ni le moelleux, ni la beauté du duvet tibétain. La mode a ses bizarreries, et nos françaises sont bien capables d’envoyer plus loin qu’au Tibet les complaisants voyageurs chargés de satisfaire leurs frivoles caprices[1].»
A l’exposition de 1824 une pièce de cachemire, fabriquée par M. Hildenlang fils ainé de Paris, avec le duvet de ces fameuses chèvres de race kirguises, attire l’attention :
« L’étoffe en est admirablement travaillée, fine et soyeuse, et transparente comme la mousseline[2].»
En 1828, le Calendrier de Perpignan (Alzine éditeur) précise que c’est M. Audusson qui est régisseur de l’établissement des mérinos et des chèvres du Tibet du Mas Coll.
On parle alors du succès de l’« industrie qui a rendu le Cachemire célèbre, la fabrication des châles. Monsieur Ternaux voulut se procurer les animaux qui portent le duvet si précieux dans leur toison. Tout le monde sait ce qu’il entreprit dans ce but, secondé par le savant Jaubert, et comment l’un et l’autre enrichirent la France d’un troupeau de chèvres kirguises[3]».
L’entreprise fut malheureusement un échec. Les chèvres ne s’acclimatèrent pas aux changements de température de la plaine du Roussillon. Il y fait, certes, très froid l’hiver par tramontane, mais étouffant l’été.
[1] Feuille d’affiches, annonces et avis divers, 1820, p.321.
La rapide diffusion de la photographie à Perpignan n’a rien d’étonnant, lorsque l’on sait que c’est le député catalan François Arago (1780-1853) qui divulgua devant l’Académie des sciences l’invention du daguerréotype en 1839 (http://culturevisuelle.org/icones/804 ), et qu’il fit don au musée de la ville des premiers essais de cette toute nouvelle trouvaille.
Avec son nouveau quai de la préfecture, sa gare en construction, ses rues anciennes, la ville de Perpignan est le théâtre des nouvelles modes sous le Second-Empire entre 1852 et 1870. Naturellement, les belles Catalanes se pressent auprès des ateliers de photographes tel celui de Cabibel à la rue des Augustins, ou encore de Scanagatti, rue Rempart-Villeneuve, afin d’immortaliser leur image.
C’est le temps des crinolines, ces jupons en structure métallique qui donnent aux robes une ampleur jamais égalée dans l’histoire de la mode. C’est aussi le temps des longs châles à franges, (les grenadines et les manilles), et des coiffes parées, portées par les femmes de la bourgeoisie.
Les grandes familles n’ont de cesse que de se conformer à la mode parisienne et les épouses ont des coiffes structurées avec renfort de fleurs en soie et de rubans. Quelquefois ces femmes se dévêtent de leurs artifices, le temps de la pause. Ni coiffe, ni châle ne doivent perturber le regard du futur possesseur d’une image voulue cette fois-ci comme le reflet de l’âme et des sentiments.
A travers quelques clichés gracieusement empruntés aux albums de photographies familiaux, penchons-nous sur les costumes de cette époque, tels que le photographe dans son studio nous donne à les découvrir. Hommes, femmes et enfants forment un univers intimiste où l’on retrouve les classes aisées de la société roussillonnaise, commerçants, nobles, veuves, militaire et juristes. Tous ont un rapport avec le costume et la mode, et véhiculent à la fois leur identité propre mais aussi une partie de l’identité du Roussillon, tiraillé entre l’expression de la tradition catalane et la volonté d’évolution et de modernisme.
Anne Bonet épouse Monné.
Photographiée à Marseille lors d’un voyage, cette femme d’âge respectable porte un très grand châle à franges ainsi que la coiffe catalane. La robe de grande ampleur et le caraco à manches pagodes et manchettes de mousseline laissent percevoir l’usage de mitaines. Enfin, nulle catalane ne saurait voyager sans un éventail.
Femme et enfant.
Il est intéressant de remarquer la vêture toute traditionnelle de cette mère avec coiffe, châle et tablier, ainsi que le joli motif moiré de la robe.
Photographie Bissière, Perpignan.
Portrait de femme.
Très belle pose pour cette épouse au petit châle en pointe, en dentelle noire. Elle ne porte pas de coiffe. La taille est amincie par un corset. Il ne semble pas que le volume soit du à des cerceaux d’acier, mais plutôt à un assortiment de nombreux jupons amidonnés.
Photographie Cabibel, Perpignan.
Portait de femme âgée
Les femmes âgées, qualifiées de « padrinas » ont toujours été tenues en grand respect dans les familles roussillonnaises. Porteuse de souvenirs, de la langue catalane et de l’histoire familiale, cette authentique grand-mère porte fièrement la coiffe catalane telle qu’elle se portait dans sa jeunesse, la passe descendant très bas et masquant les oreilles. Le châle et la jupe semblent constitués de lainages, textiles chauds produits notamment à Prats-de-Mollo.
Photographie Cabibel, Perpignan.
Portait de jeune fille
Cette jeune personne en chemisier blanc porte un ensemble constitué d’un corset à bretelles et d’une jupe du même tissu, probablement soie ou cotonnade à motif chamarré. Proche du costume des catalanes des campagnes, cet ensemble est bien un costume d’été pour jeune fille bien née.
Photographie Bissière, Perpignan.
Emile Lequin
Artisan, Emile Lequin était horloger-bijoutier à Perpignan. Le complet-veston s’est imposé chez les hommes à partir du Second Empire, mais la plupart des Roussillonnais portent encore la redingote. On notera le très beau nœud de cravate ainsi que la chaine giletière pour la montre.
Espérance Polge (1836-1907)
La jeune Espérance est photographiée à Prades, vers 1860. Sa robe à crinoline prouve que cette mode touchait en même temps la capitale du Roussillon comme toutes ses petites villes éloignées. La coiffe catalane est parée, c’est-à-dire qu’elle est agrémenté de rubans, fausses fleurs et dentelles. Le petit fichu est porté avec les pointes repliées le long de la taille et il est peut être noué dans le dos.
Photographie Grando, Prades.
Portrait de femme
La simplicité de a mise de cette jeune femme nous permet de bien apprécier l’ampleur que la crinoline pouvait donner. A Perpignan on a surtout porté le modèle rond, avec jupon plat devant, plus pratique que la crinoline à volume projeté en arrière. Nous pouvons voir les plis sur le devant qui permettent l’ampleur, ainsi que la ceinture en losange qui resserre la taille.
Portrait de veuve
Étrange pour nos yeux contemporains, le costume de grand deuil des femmes aisées et très âgées est très bien représenté sur ce portrait. Les coiffes de deuils des modistes étaient mises en volume avec des fils de laiton recouverts de soie, fleurs noires et chantilly noire en grande quantité. Leur volume et leur poids obligeait à les serrer par de gros rubans sous le menton.
Photographie Canavy, Perpignan.
Couple
Il s’agit d’un gendarme en costume d’apparat et de son épouse. La vie militaire de Perpignan n’est plus à démontrer pour cette ville frontalière de garnison. Ici l’épouse porte un magnifique châle carré en laine cachemire, probablement de la ville de Nîmes où ce genre d’article était fabriqué. La coiffe est parée, le châle est arrêté par une broche. La crinoline est ronde. Il est à noter pour ce costume l’absence de tablier d’apparat.
Portrait colorisé de jeune fille
Ce portrait mis en couleur permet d’apprécier le costume de jeune fille. Elle porte elle aussi une petite crinoline sous sa jupe courte, verte à motif de deux lignes noires en ruban de velours. Elle porte en dessous un pantalon de lingerie qui s’arrête aux bottines. Le caraco noir est lâche, non resserré à la taille.
Portrait de Catalane
Jeune femme en coiffe catalane portant la crinoline, ce qui donne un joli volume à sa robe. Son châle possède quatre bandes d’or. Il est en soie grenadine, matière légère dont la transparence s’adapte parfaitement à la chaleur de l’été.
Femme et ses enfants
Cette jeune mère est assise avec son dernier né sur les genoux et ses deux filles de part et d’autre. Elle ne porte ni coiffe ni châle. Les deux filles portent sensiblement la même robe d’enfant, à jupe courte et pantalons avec caraco à manches terminées par des manchettes bouffantes. Le petit garçon arbore sur sa tète un chapeau de paille tressée qui le protégera des chutes.
Deux enfants
Deux petites filles de la bourgeoisie commerçante de Perpignan avec deux robes à manches courtes identiques. Les robes de petites filles se portaient avec bas et pantalons apparents.
Portrait de jeune homme
Ce jeune homme à l’allure de dandy, probablement juriste ou commerçant, montre bien l’usage toujours en vogue en Roussillon de porter la redingote. Le complet-veston imposera bientôt l’uniformité de la couleur des trois pièces, ce qui n’est pas le cas ici. De très bonne famille ce jeune homme lit avec un monocle. On remarque aussi une montre en or ainsi qu’une bague en grenat de Perpignan.
Portrait anonyme colorisé.
Josephine Escanyé
Sur ce portrait très altéré, cette épouse d’un maître de forges, née en 1801, est à la fin de sa vie une personne distinguée qui porte une coiffe capote en rubans et dentelles dans le plus pur goût napoléon III.
Lucie Salamo
A la faveur de la pose de biais, le photographe nous fait apprécier l’allongement progressif de la robe sur l’arrière. La cage que constituent la crinoline et ses cerceaux d’acier va progressivement s’aplatir sur le devant et faire renaître la traîne à l’arrière. Les manchettes bouffantes et un minuscule fichu blanc rehaussent cette robe simple et gracieuse.
Portait de femme
Certaines catalanes ont complètement souscris à la mode impériale, et rien n’est laissé au hasard, que ce soit la capote à rubans et fleurs artificielles, l’étole de soie à volants, châle en dentelle de Chantilly, tout cela porté avec une robe à crinoline de grande ampleur.
En 1825, le sier Saisset, qui tenait boutique à la suite de son père à la rue Saint Jean, liquide son stock et avise ses clients des ragots qui courent sur son compte.
« Les personnes qui croiraient trouver des choses antiques dans son magasin, doivent être détrompées, attendu qu’il n’a du fonds de feu son père qu’un faible reste d’étoffes, des mousselines et quelques objets de bonneterie et de passementerie. Les marchandises qu’il offre datent de 1816, 1817 et des années suivantes. »
Viennent alors quelques informations sur les différents textiles en solde. « Toiles de coton, basin, mousseline, percale et calicot, draps fins, royales, casimirs unis et à poils, articles en laine et coton pour gilets, velours unis, à cotes et imprimés, étoffes dites mousselines de Rouen, percalines, prunelles, etc. ; indiennes de Jouy et autres de bonne qualité, schalls en indienne, percale, mousseline et madras, cravates en percale, mousseline et autres[1]. »
échantillons de cotons imprimés, livre de comptes d’un marchand de Céret, AD66.
Le sieur Quinta, arrivant de Paris, ouvre au 22 rue Mailly son activité de tailleur, « dans le goût le plus moderne[2].»
Lors d’expositions de produits de l’Industrie qui ont lieu à paris au palais du Louvre, sont présentés en 1819 et 1823 les fabriques de draps du département et les soies grège de la fabrique Pugens cadet et sœur de Perpignan. Laine et soie sont les principales matières travaillées en Roussillon.
Toutefois, en 1828, les sieurs Illaire et Dupont installent dans le quartier des fabriques une teinturerie et imprimerie sur indiennes, « face à la Poste aux lettres[3]. » Les petits imprimés sur coton, souvent foncés, servent à réaliser robes et caracos d’été. D’autres imprimés plus vifs, les andrinoples, cotonnades rouge turc fabriquées à Mulhouse, sont à cette époque très prisées des Catalanes.
Enfin la parure des femmes ne saurait de passer des soins du cheveu et du parfum. Le coiffeur Bach, rue Notre Dame, réorganise son salon de façon moderne en 1827.
« Les linges et les peignoirs ne servent qu’une seule fois. Il fait des Tours d’un nouveau genre, à touffes élastiques, très avantageux pour la coiffure des Dames, et d’autres indéfrisables, montés dans un genre nouveau. On trouvera dans son magasin un grand assortiment de parfumeries fines et une poudre pour teindre les cheveux[4]. »
Voyage pittoresque dans les Pyrénées françaises et dans les départements adjacents, d’après les dessins de M. Meeling, Paris chez Treuttel et Würtz, 1826-1830
En 1825, «le jour de la fête de saint Christophe, les danses catalanes, qui ont lieu à Perpignan chaque années, pendant toute la belle saison, ont été ouvertes au Vernet. Mr Henry, bibliothécaire de la Ville, a publié une brochure fort curieuse sur ces danses[1].»
Ces danses sont à la fois des réjouissances mais aussi l’occasion pour les jeunes gens de se mesurer entre eux.
A cette même fête, « une vive querelle engagée par des amateurs, et dans laquelle des coups de poings ont été généreusement échangés, a clôturé les danses catalanes qui avaient été ouvertes au Vernet[2].»
A Céret, les festivités durent les trois derniers jours de juillet, avec des danses publiques, de brillantes courses de taureaux, avec «des animaux vigoureux de la plus belle espèce, et pour entourer cet événement, toute la pompe dont il est susceptible. Les musiciens seront aussi du meilleurs choix, tous les amusements seront publics et gratuits[3].»
Ces réjouissances populaires traduisent un fort caractère catalan et ou hommes et femmes font des efforts pour s’habiller du mieux possible, selon leur degré de fortune.
Nous trouvons un autre récit tout en circonspection d’une fête improvisée au quartier la Réal, sous forme de théâtre populaire, en catalan. Cette piécette comprenait des costumes catalans, d’ecclésiastiques et travestis :
«Un spectacle connu vulgairement sous le nom de Ball de Serrallongue avait attiré quelques centaines de curieux, sur la pace des esplanades, le lundi de Pâques, moins pour en jouir que pour profiter des beaux jours du printemps, et suivre en quelque sorte machinalement la foule. A représentation avait lieu dans un enclos construit à dessein, et le public y était admis moyennant une rétribution de cinquante centimes pour les premières places, de vingt-cinq pour les secondes. Mais lorsqu’on était parvenu dans l’enceinte, la force seule disposait du droit et du choix des places.
Spectateurs et acteurs étaient presque confondus, et exposés aux ardeurs du soleil. Le nombre des acteurs était d’environ quatre-vingt, rangés en deux files, et dont quelques uns étaient travestis en femmes, et un en moine. Des voleurs sollicitaient la faveur d’être admis dans la bande d’un chef de brigands, et racontaient alternativement l’histoire de leurs méfaits. Tel était le sujet de cette représentation qui a duré depuis une heure de l’après midi jusqu’à cinq heures du soir. La scène se passait en rase terre, et le dialogue était en langage vulgaire[4]. » Quelques jours plus tard, le chroniqueur explique : « On n’a pas besoin de dire que les oreilles les moins délicates ont pu souvent être blessées[5].»
John Scott et John Taylor partagent auprès de leurs lecteurs anglais leur voyage en Roussillon. On peut noter quelques informations sur les costumes, fort intéressantes :
« Les vêtements des hommes, comme leur langage, sont plus proche du Catalan que du Languedocien : vestes courtes, pantalons hauts, et quelquefois une ceinture rouge. Mais, ce qui est, de loin, la partie la plus visible, c’est le couvre-chef, un bonnet tricoté en laine, de couleur pourpre vif, d’une longueur d’environ deux pieds, et d’égale longueur jusqu’à l’extrémité qui est légèrement arrondie. L’extrémité longue pend, ou bien sur le côté, ou bien est repliée sur la calotte, par ce que plus pratique, ou bien par coquetterie.
A. Bayot, intérieur de ménage (Roussillon), vers 1830.
Le bonnet est chaud et confortable et, quand il est propre, ce qui est généralement le cas dans les régions riches du Bas Roussillon, il est vraiment très élégant. Pour les pieds de ceux qui n’ont pas encore adopté les chaussures françaises, ils portent les espadrilles catalanes, une sandale de tresse, avec un tout petit talon et une empeigne, et attaché autour de la cheville avec un ruban bleu.
Les bas qu’ils portent avec ces sandales, s’ils en portent, n’ont pas de pieds seulement un petit lien sous la semelle pour les maintenir.
Le vêtement des femmes des campagnes, en dehors de Perpignan, n’est pas ostentatoire. On rencontre rarement la variété de couleurs que les Provençales adorent, ou l’éternel orange-brun des grisettes montpelliéraines.
Ellessemblent préférer des couleurs sombres et ternes, des gris de différentes teintes, souvent en rayures larges ou parfois pourpres, la seule couleur criarde qui leur plaise.
Leurs corsages courts, serrés à la taille et leurs jupons épais, froncés de façon énorme dans le dos sont très semblables au Languedoc. Mais, pour la coiffe, c’est seulement tout à fait au nord du Roussillon que l’on observe encore la petite coiffe étroite, plissée, le chapeau noir plat et large de l’autre province.
Plus au Sud, c’est le ret catalan et le mouchoir. Ce ret est un filet noir, de 2 à 3 pieds de long, placé sur la tête comme les bonnets des hommes sauf qu’il est serré fermement autour de la tête avec un ruban noir. L’extrémité longue pend derrière le dos et se termine par un gland élégant.
A. Bayot, costume de Cerdagne, jeunes femmes en ret et fichu., vers 1830.
Au dessus de cela se trouve un mouchoir en tricorne, noué sous le menton, pour montrer au dessus du front les rubans des rets. Le troisième coin dépasse au dos de la tête. Avec cette coiffe, leur front rond, dénudé et leurs traits proéminents, brillants et brûlés par le soleil, elles ne paraissent certainement pas, en général, très gracieuses ou ravissantes.
Pourtant je l’ai quelquefois vu porté de façon extrêmement seyante[1].»
[1] John Scott,John Taylor, « Sketches of manners in the south of France, n1, The Roussilonnais », The London Magazine, 1827, Volume 17.
L’industrie locale au service de l’habillement populaire
Les rapports de la Préfecture indiquent l’existence de manufactures de draps dans les cantons ruraux.
« Les fabriques de Prats donnent un drap grossier qui sert à l’habillement des habitants des campagnes. Les draps de Prades sont plus fins et servent à l’habillement de la classe aisée. Malgré l’utilisation des mécaniques, ils n’ont pas assez de moyens pécuniaires pour soutenir la concurrence. Limoux et Carcassonne suppléent à l’insuffisance des fabriques du département[1]. »
L’établissement de Prades semble avoir été créé seulement en 1814[2].
En 1822, le manufacturier Roger, de Prats de Mollo, livre dans tout le Roussillon ses capuchons en bayette, un tissage de laine très fin, preuve de la capacité à transformer à grande échelle les textiles produits sur place en pièces d’habillement[3].
Jeune femme en capuche de bayeta blanche et jupe de drap de laine écarlate, reconstitution Le temps du Costume Roussillonnais.
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