On trouve les grisettes principalement à Paris mais aussi dans toutes les villes de province. A Perpignan, ces jeunes filles portent à la perfection le bonnet roussillonnais, avec tous les atours de la mode.
Ce sont elles qui introduisent dans le costume traditionnel les manches à gigot, les châles à longues franges et les fichus en imprimés bariolés. Leur attention au moindre détail de l’habillement et de la coiffure les conduit forcément chez François Gervais, quincailler de la place Laborie, (actuelle place Jean Jaurès). Dans cet antre de la mode, elles choisissent des rubans de toute sorte, en satin, en taffetas, en fleurets de Padoue. Elles en feront des ceintures ou bien elles en garniront leur coiffe du dimanche.
L’été, elles se promènent au jardin de la Pépinière dans de légères robes d’indiennes, où de mousselines brodées pour le plus aisées. La mode des hauts chignons et des peignes à la girafe donne à leur coiffe une ampleur et une hauteur étonnante. Leur costume d’été se compose le plus souvent d’un corset sans manche, d’un tablier et de poches en cotonnade unie, d’une jupe en indienne sur quelques jupons blancs de coton.
Les coiffes sont en percale ou en mousseline finement brodée. Le chaland ne manque pas de remarquer lors des bals publics ces jolies jeunes filles qui «ont toutes un bonnet à la Catalane avec un ruban de couleur autour. La plupart ont des souliers blancs, elles ont généralement les yeux expressifs. La ligne des mamans avec des bonnets ronds, sans ornements ; en arrière de celle des jeunes personnes, est unique[1].»
L’hiver, les belles Catalanes portent des robes d’une seule pièce, en lainages, et par-dessus, un châle carré, de Nîmes, à fond blanc, vert, rouge ou jaune et dont les bordures sur les quatre cotés sont toujours agrémentées d’une bordure de boteh multicolores et d’écoinçons aux angles. Les châles carrés à fond noir sont portés par les femmes mariées.
Les bas de coton sont eux aussi préférés aux bas de laine traditionnellement tricotés en Cerdagne et portés pas les paysannes. La beauté des grisettes de Perpignan est reconnue par leurs contemporains, locaux ou de passage. Les notes de voyage du peintre grenoblois Diodore Rahoult (1819-1874) nous le précisent. Jeune homme, il se rend à Perpignan et sur la côte catalane en 1842.
Son passage dans la capitale roussillonnaise est décrit comme une révélation, notamment pour l’ambiance qui règne dans une ville remplie de jolies filles : « Oh ! Je voudrais avoir un crayon de feu pour graver en lettres ineffaçables ces quelques lignes, je voudrais pouvoir dépeindre ces blancs visages de jeunes filles avec leurs yeux noirs et assassins, leurs bouches souriantes, ces sourcils noirs et arqués, ce cou d’une finesse étonnante, ce contour du menton, du visage…
Oh ! Ceci est très admirable, devrais-je dire, j’ignore si plus tard je verrai mieux mais toujours est-il que jamais en ma vie je n’ai vu de si jolies femmes, et réunies en aussi grand nombre. Et cela parmi les grisettes et les paysannes.
Oh ! Que j’aime ce petit filet de cheveux noir qui se colle sur ces joues d’une blancheur mate et polie comme l’ivoire.
Oh ! Je me souviendrai des femmes d’Arles (en Provence) et de Perpignan. Et puis il faut les voir, ces beautés, dansant la catalane sur la place au son d’une musique pyrénéenne. Le hautbois, le flageolet et le tambourin jouent un grand rôle. Dans la ville circulaient des costumes de toutes sortes, des espagnoles avec leur mantille, des zingaras[2] avec leur mouchoir sur la tête, les roussillonnaises les unes tantôt avec un capuchon blanc ou noir, les autres avec leurs petits bonnets blancs. En ais-je assez dit des femmes de Perpignan?
Oui car je finirais par ne plus finir, L’enthousiasme m’emporte mais c’est assez. Oh ! Perpignanaises je rêverai à vous c’est sur, votre aspect a presque rendu fou non seulement moi, mais mes compagnons de route.
Partout des jolies femmes ! Dans les rues sales et noires, vous voyez un petit bonnet national, un cou blanc et effilé, vous vous retournez et vous êtes sur que c’est une jolie femme[3]. »
[1] Rouffiandis, (L.), Le général de Castellane à Perpignan, SASL des PO, 1956, p.137.
[2] Nom qu’il donne aux gitanes.
[3] De Perpinyà a Banyuls de la Marenda, présenté par Camille Descossy, Terra Nostra, n.38.
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