Association ethnographique

Catégorie : Restauration (Louis 18 et Charles X) (Page 2 of 3)

Industrie textile sous Charles X

L’industrie locale au service de l’habillement populaire

Les rapports de la Préfecture indiquent l’existence de manufactures de draps dans les cantons ruraux.

« Les fabriques de Prats donnent un drap grossier qui sert à l’habillement des habitants des campagnes. Les draps de Prades sont plus fins et servent à l’habillement de la classe aisée. Malgré l’utilisation des mécaniques, ils n’ont pas assez de moyens pécuniaires pour soutenir la concurrence. Limoux et Carcassonne suppléent à l’insuffisance des fabriques du département[1]. »

L’établissement de Prades semble avoir été créé seulement en 1814[2].

En 1822, le manufacturier Roger, de Prats de Mollo, livre dans tout le Roussillon ses capuchons en bayette, un tissage de laine très fin, preuve de la capacité à transformer à grande échelle les textiles produits sur place en pièces d’habillement[3].

Jeune femme en capuche de bayeta blanche et jupe de drap de laine écarlate, reconstitution Le temps du Costume Roussillonnais.

[1]              ADPO, série M.

[2]              ADPO, 2 J 35/1

[3]              ADPO, 142 J 31.

De l’amour de la danse en Roussillon

Perpignan conserve des traditions identiques aux villages du Roussillon et la danse catalane y est encore vivace. « Grâce, une aimable vivacité, font surtout remarquer ces élégantes danseuses, prises dans toutes les classes de la société, et réunies par le plaisir dans ces fêtes si différentes de celles que l’on voit à l’intérieur de la France[1]. »

Parmi ceux qui y participent, il y eut tantôt des personnes du peuple, sous le « costume national, c’est à dire portant le long bonnet rouge dont le bout flottant tombe sur les épaules, une veste et un pantalon de velours, une ceinture rouge et des espadrilles aux pieds »; tantôt de jeunes bourgeois élégants qui, « sous une veste légère, apportaient dans ces danses la grâce des salons[2]. »

On nous apprend aussi que « le jour, les danses ne sont guère suivies que par les personnes du peuple qui bravent la chaleur du soleil. La jolie artisane ne commence à danser que lorsque la fraîcheur de la nuit rend cet exercice moins fatiguant. La beauté de la danse catalane consiste, pour les femmes, à savoir reculer légèrement, sans sauts et sans secousses, il faut qu’elles coulent, pour ainsi dire, sur la pointe des pieds, et sans faire des pas. Les mains au tablier, et la tête un peu sur le coté, pour voir le chemin rétrograde qu’elles ont à parcourir en rond, elles tournent mollement, quoique avec rapidité, autour du centre libre de l’enceinte, et il y a infiniment de grâce dans ce mouvement.

Le spectateur les voit passer, repasser, et comme voltiger devant lui ; soit que dans une fuite équivoque elles imitent le papillon qui feint d’éviter l’Amour, soit que d’un pas précipité, elles poursuivent le cavalier qui semble vouloir s’échapper à son tour. La danse catalane telle que je viens de vous la décrire est celle que l’on exécute à Perpignan. Dans les villages, où le contrepas est dansé par les hommes et par les femmes, on conserve un usage qui s’est perdu à la ville.

Hora Siccama, vers 1847, danses catalanes en Vallespir, AD66.

La file des femmes est conduite par deux hommes portant à la main un vase en verre à plusieurs goulots très étroits, et ornés de longs rubans. Ce vase qu’on appelle almuratxa[3], est rempli d’eau de rose et dans certains moments, les conducteurs de la danse, les secouant sur la file des danseuses, en font tomber sur elles quelques gouttes, en manière de pluie très fine. Dans certaines fêtes villageoises, ce sont les pavordessas qui ouvrent cette danse à l’issue de la grand’messe.

On appelle pavordesses quelques jeunes filles chargées de prendre soin de la chapelle de la Ste Vierge, et qui en sont comme les marguillières : ce sont toujours les plus jolies du village. Un petit panier de fleurs à la main, elles ne manquent jamais d’aller quêter pour la chapelle, à l’heure du diner, dans les maisons ou se trouvent des étrangers. Ces Pavordesses commencent à danser seules en tournant autour du cercle, elles choisissent elles-mêmes leur cavalier, ce qui est un grand honneur pour celui qui obtient cette aimable préférence. La danse catalane est annoncée par une promenade de jutglars dans toutes les rues, c’est ce que l’on appelle le passa-villa.

Au village les baills ne se payent pas à chaque fois, et danse qui veut. On voit souvent dans les grandes réunions, douze à quinze cent personnes sautant à la fois : ce tableau est vraiment magique. A la campagne on exécute encore une danse plus vive et plus animée, et qui finit aussi par l’enlèvement de la danseuse sur la main du cavalier. C’est celle qu’on appelle les Segadillas. Les airs en sont très courts et très précipités.

Il faut beaucoup d’agilité, de vitesse et de légèreté pour la danser en mesure. La danse catalane, ou comme on le dit ici, les danses, ont lieu annuellement dans toutes les communes du Roussillon. A Perpignan, on les exécute aussi, sur le terrain de chacune des paroisses, quand leur fête arrive, mais avec quelques différences. Au village, on danse tout bonnement sur la place publique ; à la ville, c’est au centre d’un enclos de verdure qu’on prépare exprès[4]

La fête donne l’occasion de voir rassemblée sur la place les plus belles toilettes. Le visiteur peut alors y observer les costumes de la région.

L’écrivaine romantique Amable Tastu, née à Metz le 31 août 1798, épousa l’héritier d’une lignée d’imprimeurs catalans. Elle vint à Perpignan de 1816 à 1819. Le séjour qu’elle fit en Roussillon a donné lieu à un autre récit sur les danses catalanes dans lequel elle décrit les costumes des participants :

« Les danses en Roussillon ont lieu aux fêtes patronales du village ou de la paroisse de la ville ; le matin, à l’issue de l’office, se fait la passa-vila, espèce de promenade, que les musiciens, qui ont retenu leur vieux nom de juglars, font par les rues en jouant de leurs instruments. Ils s’arrêtent devant le logement des autorités et de personnes notables pour leur donner l’aubade et leur offrir des gâteaux.

La première de ces fêtes à laquelle j’assistai était celle du faubourg de Perpignan. Depuis trois heures de l’après midi, j’entendais de loin retentir la joyeuse et bruyante musique, car les danses commencent ordinairement à la sortie des vêpres, et s’interrompent à l’heure du souper, pour recommencer après de plus belle, et continuer souvent toute la nuit.

Je fus frappée du coup d’œil pittoresque et animé de la fête. L’enceinte ovale était formée de portiques de verdure et décorée de guirlandes semblables ; d’immense lanternes l’éclairaient comme en plein jour, les femmes et les jeunes filles occupaient alentour un triple rang de chaises, derrière lesquelles le terrain relevé en talus était couvert de nombreux spectateurs…

Je distinguais au milieu de la foule beaucoup de paysans de la plaine ou de la montagne avec leur costume pittoresque : la veste et le pantalon de velours ou de nankin, la ceinture rouge autour du corps, le mouchoir de soie négligemment noué au cou, le long bonnet écarlate retombant sur l’épaule ou sur le dos, et aux pieds les espadrilles ou sandales de cordes qui s’attachent à l’antique autour de la jambe par des cordons de laine rouge ou bleue.

Le costume des femmes n’avait de remarquable que le capucho, espèce de capuchon en laine ou en basin selon la saison, qui tombe jusqu’à la taille et les enveloppe comme un voile de madone. Mais vous pensez bien que celles qui le portaient n’étaient pas au nombre des danseuses. Celles-ci n’étaient coiffées que d’un petit bonnet garni à la catalane d’une dentelle cousue à plat et descendant sur le front, ou d’un tulle ruché selon la mode d’alors. Je remarquais parmi elles quelques demoiselles de la ville en cheveux et en robes blanches ; mais les jeunes gens de toutes classe dansaient en veste de coutil ou de nankin.

Enfin laissons-nous imaginer cette société roussillonnaise, au sortir de l’Empire, éprise de réjouissances, tel que nous la décrit le notaire Ferriol dans ses mémoires :

« En 1818, à Perpignan, les jeunes gens donnaient de l’animation aux jours de fête. Ils se cotisaient pour les rendre brillantes. Les danses catalanes étaient à leur apogée, c’était dans la belle saison. Depuis le mois de juillet jusqu’à la fin de septembre, elles parcourent tour à tour les diverses paroisses de la ville.

Les fêtes patronales en sont les occasions. Toutes les classes de la société y apparaissaient sans distinction, les dames de la ville comme les grisettes et tout le monde s’y trouvait ensemble sans le moindre compromis.

Pendant l’hiver, étaient les bals de l’hôtel du Commerce, dit aussi de la Perdrix, qui attiraient toute la jeunesse de deux sexes. Toutes les classes y paraissaient mais ne se rencontraient pas. Ces bals se donnaient tantôt pour les dames du grand monde, et tantôt pour celles du demi-monde et pour les filles des honnêtes artisans, qu’on surnomme grisettes.

Le beau sexe ainsi divisé s’y montrait à certains jours convenus, en agissant ainsi les jeunes gens avaient trouvé moyen de contenter tout le monde sans froisser personne. Je n’ai jamais vu d’accord si parfait dans notre cité et cela dura plusieurs années. Je me permettrais quelques apparitions à l’hôtel du Commerce surtout pendant les soirées destinées aux bals des grisettes.

Je m’y trouvais mieux à l’aise. Là, point d’étiquette, de la familiarité avec décence, le simple décorum, puis de la gaité et de l’entrain. Pour bien des jeunes gens encore incultes, ne connaissant rien des manières du grand monde, ces bals étaient bien préférables à ceux qu’on appelait les « bals des dames ». D’ailleurs je n’étais pas un grand danseur et ce qui m’attirait le plus dans ces réunions n’était le désir d’y faire une partie de manille[5]

Ces amusements sont très appréciés, et certaines jeunes filles s’y distinguent. «Aussi les jeunes filles sont elles infatigables, les danseurs sont forcés de se reposer, ne pouvant acheter tous les baills, mais une danseuse à succès peut danser toute une nuit sans quitter sa place, et elle en tire vanité.»

Lors de ces fêtes, les familles aisées ne manquent pas de laisser un témoignage en faisant réaliser leur portrait, par les peintres du cru, comme en 1818, ceux qui furent exposés par le jeune Maurin, fils[6].

Bayot, A., Danses aux platanes, vers 1820-1830. Médiathèque de Perpignan (détail)

La différence de costumes entre les classes populaires et les classes bourgeoises et nobles deviennent des indicateurs du pouvoir que les second comptent exercer sur les premiers en cette période de retour à l’ordre. C’est ce qui transparaît de cette description d’un incident lors du carnaval du village du Boulou.

« La danse avait déjà traversé la place et étant au fond de la rue dit Carrer Nou, en rétrogradant, étant au tiers du chemin, quatre individus accompagnés chacun de leur dame habillées à leur ordinaire et animées d’une face de supériorité par leur richesse envers ceux qui dansaient, se présentèrent par moquerie pour danser ». Le refus de les intégrer et les interlocutions qui en suivirent firent l’objet de plaintes et de rixes avec intervention de la gendarmerie[7].


[1]              Du Mège, (A.), Statistique générale des départemens pyrénéens, ou des provinces de Guienne…, Toulouse, 1830, p.385-386. La description est due à Dominique Marie Joseph Henry.

[2]              Henry, D.M.J., « Danses catalanes exécutées en présence de S.A.R. Madame, duchesse d’Angoulême », ed. Tastu, Perpignan, 1825, p.19.

[3]              Marancha dans le texte.       

[4]              Henry, D.M.J., « Danses catalanes exécutées en présence de S.A.R. Madame, duchesse d’Angoulême », ed. Tastu, Perpignan, 1825, p.19.

[5]          ADPO, Mémoires de la famille Ferriol, 59 J 18.

[6]              Feuilles d’affiches, annonces et avis divers, 1818, p.150.

[7]              Brunet, (M.), Le Roussillon, une société contre l’État 1780-1820, ed. Eché, Toulouse, 1977, p. 282.

Costumes catalans (vers 1819), une des premières lithographies françaises.

Godefroy Engelmann est né à Mulhouse le 16 août 1788. Connu pour être l’introducteur de la lithographie en France, il signe les deux planches dans les «Lettres sur le Roussillon» représentent les danses catalanes avec les costumes populaires en usage sous l’Empire et aux débuts de la Restauration.

Elles font partie des premières lithographies françaises. Cet opuscule anonyme imprimé à Perpignan a été rédigé par Henry, historien et chroniqueur local[1].

Les costumes populaires y sont décrits sommairement dans un récit qui fait la part belle à l’organisation des danses à Perpignan sur la place de la Loge. La forme des coiffes presque carrées avec une imposante passe et l’usage du ruban noué sur le haut de la tète.

Les fichus d’indienne très ajustés, les manches étroites et longues et les tailles hautes démontrent une mode encore inspirée par l’Empire. Henry reprends son récit dans la relation qu’il dresse de la venue de la Duchesse d’Angoulême dans un ouvrage orné celui-ci des danses catalanes exécutées par la jeunesse bourgeoise en costumes citadins.


[1]              JPO, 1825, p.427. Cette brochure est signalée à la vente en 1825, mais le passage d’Engelmann et sa vision des costumes qu’il dessine sont antérieurs de quelques années.

Quelques garde-robes roussillonnaises sous Louis XVIII et Charles X.

Pour donner plus de détails à tous ces costumes roussillonnais, intéressons nous à quelques inventaires de vêtements de personnes de milieux différents.

En premier lieux, voyons la garde robe de Michel Esquirol, maître portier à Thuir. Décédé en 1820, le notaire inventorie ses effets comme suit : « un gilet avec des devants de velours noir, un autre avec des devants de velours bleu, un autre en drap noir, un autre en coton bleu, un autre en velours fonds jaune, une camisole en cotonnade bleue, une autre en cotonnade blanche, une autre en nanquinette fonds bleu, une autre en ratine, une autre en drap teint en vert, une carmagnole de velours rayé, une culotte longue en velours bleu, une autre en ratine bleue, une autre en cotonnade bleue, une camisole en reps gris, un bonnet en laine rouge, une ceinture en serge rouge[1]. »

La mode Empire est encore présente dans les armoires de ces dames. C’est ce qui apparaît à Perpignan, lors de la succession de Rose Casenoba, espagnole « de nation ». Ces effets consistaient en « robes et redingotes pour femme, mouchoirs, fichus, schalls, pointes, voiles, spencers, corsets, manteaux de lit, jupes, chemises, bas et autres nippes de femmes, bijoux tels que colliers, médaillons, pendants, boucles peignes, bagues, lorgnettes, croix d’argent et de cristal enrichies de diamants[2].Ces effets seront vendus sur folle enchère place Laborie (actuelle place Jean jaurès).

Enfin, madame Tabariès de Grandsaignes vivait au cœur même de la ville de Perpignan. Cette perpignanaise aisée était descendante d’une illustre famille du cru les Llucia,

Ses fenêtres donnaient sur la place de la Loge. Sa garde-robe inventoriée en 1818 est l’une des plus fournies de la ville, avec un nombre très important de vêtements et de bijoux : «vingt trois chemises, six jupes blanches, deux châles façon de madras, quatre robes, onze fichus, un peignoir, un éventail et son étui, un chapeau de velours noir, une paire de boucles d’argent pour les souliers, une robe de soie, une bourse de soie verte, un petit sac de toile, huit paires de bas, deux paires de poches, deux châles, un fichu à franges, un fichu de madras, un fichu de baptiste, deux corsets, une pèlerine de mousseline, une collerette blanche, trois serre tète garnis, un corset de taffetas, un tablier de cuisine, un châle de laine, une paire de souliers jaunes, neuf robes de différentes étoffes, deux petits paquets de dentelle neuve, huit bandeaux fins, sept coiffes, un chapeau de velours, deux corsets de soie, une jupe de soie unie, une jupe de soie à fleurs, quatre mètres d’étoffes de soie blanche, une petite tabatière entourée de perles avec le portrait de monsieur Llucia, deux colliers à chaînons en or, une épingle à diamant, une autre épingle en or à rosette, un portrait en médaillon monté en or, deux paires de boucles d’oreilles en or, quarante centimètre de chaîne en or avec pierre blanche, une grande bague en or, une paire de boucles d’oreilles en or à diamants, deux boucles d’oreilles en or, une montre et sa chaine en or, une boite ou tabatière semblant d’or, un chapeau de paille garni de rubans, une boite contenant fleurs et chapeau de paille garni d’or, une boite en carton renfermant les trois colliers et boucles d’oreilles que madame Clara apporta de Paris.»


[1]              ADPO, 3 E 26/274.

[2]              JPO, 1815, 11/11.

La fête de la Nativité à Consolation, le 08 septembre…

Charles-Stanislas L’Eveillé (1772-1833), ermitage de Consolation.

En 1821, Cervini accompagné de son beau-père, le dessinateur Melling, visita le Roussillon et il décrivit les costumes qu’il vit en grand nombre lors de la fète du 8 septembre 1821 à l’Ermitage de Consolation à Collioure.

« Dès que nous eûmes terminé le dessin de Port-Vendres, nous revînmes à Collioure pour nous trouver le lendemain de bonne heure à l’ermitage Notre-Dame de Consolation. Nous allions jouir encore une fois du spectacle original et charmant de la danse catalane à l’occasion de la fête de la nativité de la Vierge, célébrée depuis deux jours, par les habitants de la ville et des environs, mais plus particulièrement chômée ce jour là, et rendue plus pompeuse par l’affluence des étrangers. …/…

Pendant que nous parcourions le sentier, tracé sur la pente orientale de la montagne et au milieu de ces vignobles dont la couleur lassait nos regards par son uniformité continue, nous nous retournions à tout instant, et la vaste étendue de la mer, la vue du clocher de l’église saint-Vincent, le coup d’œil des maison de Collioure groupées pittoresquement sous la forme pyramidale, et l’aspect du fort qui les couronne de ses vieux bastions, nous faisaient oublier la fatigue de la route et la triste monotonie de ces pampres toujours verts. D’ailleurs les scènes mouvantes et animées des diverses bandes qui nous précédaient ou nous suivaient à la file, ne pouvaient laisser la moindre place à l’ennui. C’étaient des cultivateurs aisés ou de riches fermiers qui, à la tête de leurs nombreuses familles, s’avançaient accompagnés de leurs domestiques, chargés des provisions.

La baie de Collioure au début du XIXe s., col. part.

C’étaient des pécheurs accourus des baies si multipliées dont la cote est découpée depuis le Cap Béar, jusqu’au Cap Pineda en Espagne, et qui, alertes et joyeux, accouraient d’un pas rapide, en apportant dans des paniers les mets qu’ils allaient mettre en commun et partager entre eux : c’était le mélange de personnes de tout âge, de tout sexe et de toutes conditions, pressés d’arriver afin de louer l’une des cuisines que l’on peut louer sur le lieu, pour préparer à l’estuffat les viandes qu’ils avaient apportées avec eux. Plusieurs Espagnols se trouvaient mêlés dans cette foule de pèlerins et de curieux.

Nous les reconnaissions au large chapeau qui couvrait leur tête, où à la résille noire dont leurs cheveux étaient enveloppés. Ils avaient des vestes de drap écarlate doublées de velours noir, et ornées de la même étoffe aux coudes, à l’avant bras, aux poches et au collet.

Le reste de leur costume était semblable à celui des habitants de la côte du département. Plusieurs de ces étrangers ne se faisaient même remarquer que par leur manteau ployé et négligemment jeté sur l’épaule. Un grand nombre d’individus de la classe du peuple des communes voisines, formaient de groupes en repos le long des sinuosités du chemin que nous suivions, et sur les bords du ruisseau entretenu par les divers filets d’eau qui s’écoulent des hauteurs environnantes.

Ils se distinguaient par leurs longs bonnets écarlates retombant sur leurs épaules, par la ceinture de la même couleur, le pantalon et la veste de velours, et par leurs chaussures appelées espardenyas et qui ressemblent assez aux espadrilles des habitants des Pyrénées centrales.

En arrivant sur la terrasse où nous apercevons tout d’un coup et pour la première fois l’Ermitage, nous trouvons des groupes encore plus nombreux, assis sur les cotés et au dessous des beaux ormes dont il est entouré[1]. »


[1]          Melling, (M.), Voyage pittoresque dans les Pyrénées françaises et les départements adjacents ou collection de 72 gravures représentant les sites, les monuments etc., avec un texte par Cervini de Macerata, (J.A.), 1826-1830.

Description du costume catalan de part et d’autre de la frontière

Costume catalan

Une intéressante description du costume catalan, pour la partie sud des Pyrénées est publiée en 1817. Elle s’applique aussi pour cette période aux villages du Roussillon et aux hauts cantons du Vallespir et de Cerdagne.

« Le costume des Catalans diffère sensiblement de celui des autres Espagnols. Le manteau et le chapeau rond n’y sont point d’usage. Le costume français y est presque totalement adopté. Les matelots et les muletiers ont des vêtements étroits de couleur brune et sont coiffés d’un bonnet de laine rouge qui se rejette en arrière sur l’épaule comme celui des anciens phrygiens.

Par-dessous ce bonnet est la résille, sorte de réseau de fil ou de soie, qui constitue la coiffure générale des artisans et des villageois aisés. Les villageoises ont un jupon de soie noire, soutenu par un petit cerceau qui fait fonction de panier, des souliers sans talons, les épaules nues, et un voile noir attaché avec des rubans. Dans les montagnes, le costume est encore plus étrange.

Les villageois ont un petit gilet croisé sans manches, par-dessus lequel ils portent une veste garnie de petits boutons blancs en forme de globes et très rapprochés, leurs manches sont boutonnées sur le poignet, leur taille est serrée d’une longue et large ceinture de laine bleue ou rouge qui fait plusieurs tours autour du corps. Leur culotte, ordinairement de peau, n’a ni jarretière, ni boutons, leurs jambes tantôt nues, tantôt couvertes de guêtres de peau ou de bas de laine qui n’ont point de pied et ne dépassent point la cheville.

Leurs souliers formés de cordes s’appellent espardenyas en catalan. Il est du bon ton que ces chaussures ressemblent à des sandales, et que l’empeigne en soit si étroite qu’elle couvre à peine l’extrémité des orteils. Les gens aisés portent par-dessus ce léger costume une espèce de redingote ample, courte et garnie de manches que l’on nomme gambetto[1]»

La mode à Barcelone tout comme à Perpignan est tournée vers Paris qui jouît de la plus grande des renommées.

« Les dames de Barcelone suivent exactement les modes françaises et font venir de France une partie de leurs parures, ou tout au moins des poupées sur lesquelles il est facile à leurs modistes d’étudier la coupe et l’arrangement des ajustements les plus nouveaux. Elles n’ont pourtant point renoncé à l’ancien costume espagnol. Elles le portent pour aller à l’église, se montrer à pied dans la ville, mais dans l’intérieur de leur maison, au bal, au spectacle, dans les sociétés, elles se livrent sans contrainte à leur goût pour l’imitation des modes françaises. La chaussure est dans ce pays un objet très important, les souliers sont enrichis de broderies élégantes, de paillettes, et même de perles fines[2]

Pour le Roussillon, le géographe Jalabert indique en plus que «le bonnet rouge était il n’y a pas si longtemps, la coiffure habituelle de la classe employée à la culture de la terre : aujourd’hui le chapeau est adopté par presque tous les habitants de la plaine. L’habillement des personnes aisées est le même que celui du reste de la France[3]

Il va de soi que seule la classe laborieuse se distingue par un habillement purement local et singulier plus on s’éloigne de la capitale du Roussillon. C’est ce qu’à pu constater Joseph Antoine Cervini dans le Fenouilledès.

En 1821, celui-ci dépeint les paysages et les habitants qu’il voit en descendant la vallée de l’Agly pour rejoindre Perpignan : « Ces vastes plaines couvertes de riches moissons, ces champs clos par des haies d’aloès, d’aubépines et de grenadiers sauvages, ces rivières que bordent de longs et flexibles roseaux pliant mollement sous le vent qui les agite, ces lignes de basses montagnes entrecoupées de collines, dont les pentes sont hérissées de vignobles opposant leur brillant feuillage à la pâle verdure de l’olivier, ces lits desséchés des torrents de l’hiver qui envahissent la chaussée, ces terrains disparaissant ensevelis sous les cailloux et les sables qui les recouvrent, ces paysans vigoureux au teint brun, au nez saillant, aux yeux et cheveux noirs que nous voyons livrés à des travaux pénibles et aux ardeurs du soleil de l’été, ces hommes graves et sérieux qui, après nous avoir vu passer avec indifférence, suspendaient leurs travaux pour nous suivre longtemps de leurs regards, ces femmes aux grands chapeaux de paille, que nous voyions pieusement courbées devant des Madones enfermées dans de petites niches ou chapelles qui s’élèvent de distance en distance, sur les carrefours des grands chemins, et enfin ces hommes qui dans les bourgs et les villages que traverse la route, étaient nonchalamment assis sur la place publique, après avoir travaillé autant qu’il le fallait pour les besoins les plus urgents de la vie, insouciants de l’avenir, et consommant dans la journée les bénéfices et les produits qu’elle a rapportés, tout nous rappelait l’Italie[4]. »


[1]              Breton, (M.), L ́Espagne et le Portugal ou mœurs, usages et costumes des habitants de ces Royaumes, précédé d ́un précis historique, 1817, p.52.

[2]          Breton, (M.), L ́Espagne et le Portugal ou mœurs, usages et costumes des habitants de ces Royaumes, précédé d ́un précis historique, 1817, p.56.

[3]              Jalabert ; (F.), Géographie du département des Pyrénées-Orientales, Tastu, Perpignan, 1819, p.33.

[4]          Melling, (M.), Voyage pittoresque dans les Pyrénées françaises et les départements adjacents ou collection de 72 gravures représentant les sites, les monuments etc., avec un texte par Cervini de Macerata, (J.A.), 1826-1830.

Époque Romantique

En pleine période romantique, enivrons-nous de cette ambiance si bien transcrite dans ce texte anonyme :

« Je l’aime ce pays, non parce qu’il est à moitié inculte, peuplé de moines et de mendiants : pareil tableau ne me sourira jamais, mais je naquis sur les Pyrénées, le premier souffle d’air qui caressa mon visage était venu d’Espagne. Les premiers chants qui frappèrent mon oreille furent des romances catalanes. J’ai vu nos paysans ; ils ne sont ni basques, ni béarnais, ces peuplades, toutes distinctes, avec lesquelles on s’est plus à les confondre, ont leur mœurs, leurs coutumes, une sorte de langage national.

Le Roussillon, après deux siècles de conquête, semble encore un fief des comtes de Barcelone. Ses habitants, surtout dans les parties hautes du pays, sont graves et fiers, quelque chose de patriarcal semble présider leur vie, austère.

On dirait à leur démarche silencieuse, des nobles hidalgos, mais sous le ciel embrasé du Midi, les passions n’attendent qu’une étincelle pour s’enflammer. Que de fois me suis-je cru en Espagne, au milieu des montagnes du Vallespir et de la Cerdagne, quand le bonnet rouge des contrebandiers catalans brillait, au soleil levant, sur le crête des rochers. J’admirais la hardiesse de ces hommes, bondissants comme l’isard à la suite de leur chef.

Ils passaient auprès de moi, me saluant, sans me regarder, d’un bon dia, et bientôt le détour sinueux de la montagne, les faisaient disparaître de ma vue. Des croix en pierres s’élevaient de distance en distance, pour servir de jalons aux muletiers, quand la neige s’entasse sur le sentier battu.

Une fois je trouvais auprès d’un oratoire un ermite, tout couvert de coquilles, déjeunant avec des oignons crus. Ce brave homme avait à son dire, fait trois fois le pèlerinage de Santiago de Compostela. Il m’offrir un chapelet et quelques petites croix rouges, fabriquées par ses confrères de Montserrat.

J’aimais à rechercher l’hospitalité dans la chaumière enfumée du montagnard, les chèvres paissaient à quelques distance, leur lait parfumé me semblait le mets le plus délicieux. Qu’ils étaient loin de moi les jours de fête de la capitale, et que les pompes de l’art me paraissaient petites à coté de celles de la nature! Le ciel le plus pur resplendissait au dessus de ma tête, les montagnes se déployaient à mes regards, avec leurs crêtes tantôt couvertes de pins, tantôt étincelantes de frimas, et de leur sommet gigantesque, la plaine, découpée en damier, se perdait insensiblement à l’horizon, dans le ruban bleu de la Méditerranée[1]. »

Variétés des costumes

L’aplec ou fête votive de Font-Romeu est une occasion rêvée d’être confronté à une multitude de costumes de différentes vallées. « C’était à la fin de septembre 1821. Je me trouvais à Font-Romeu, à l’époque de cette fête renommée qui ramène tous les ans sous l’ombrage de ses pins, la foule des pèlerins et des curieux. La caravane dont je faisais partie n’arriva pas à temps pour assister à la messe qui ouvre la fête et force fut de nous contenter du spectacle que nous avions sous les yeux. Il était magnifique : c’est un coup d’œil dont le pinceau du peintre ne peut rendre qu’imparfaitement la beauté.

A nos pieds, s’agitait en tous sens une multitude bariolée de diverses couleurs, ici l’Espagnole avec sa noire résille qui retenait ses cheveux partagés en tresses, plus loin la Cerdanyole française au jupon court, au corset de velours lacé en nœuds de soie, l’habitant de la plaine avec son chapeau à rebords évasés, le montagnard avec son bonnet et sa ceinture rouge, sa veste ronde chargée de broderies, et ses espadrilles de cordes[2]

S. Leveillée, Costumes de Cerdagne, du Roussillon et du Languedoc, vers 1820, MUCEM.

En effet, la Cerdagne produisait depuis longtemps des articles de bonneterie tricotés par ses habitants lors de la saison hivernale. Ensuite, « ils vont dans toute la France pendant l’automne vendre l’immense quantité de bas fabriqués et tricotés par eux pendant la durée de l’hiver précédent[3].»


[1]              Le Publicateur, 1833, p.14.

[2]          Le Publicateur, 1833, p.15.

[3]              ADPO, 2 J 35/1, rapport de la Préfecture, 1814.

Bals et festivités plus populaires : La Saint André de Rivesaltes

Ball rossellones (bal roussilonnais), lithographie, A. Bayot, Médiathèque de Perpignan.

(Chansonnette roussillonnaise anonyme)

1-Charmante fillette,

Je vous chanterais

Une chansonnette

Simple et joliette,

Sur la belle fête

de la Saint André

.

2-Flageolet musette,

En brillants éclats,

Tambour, clarinettes,

Hautbois, castagnettes,

Font que l’on s’apprête

Pour le contrepas.

.

3-L’air des ségadilles,

Fait fuir le travail,

Et cent jeunes filles,

Fraîches et gentilles

En joyeux quadrille,

Vont danser le baill.

.

4-On rit, on s’excite,

La foule en attrait,

S’élance et s’agite,

Recule ou s’évite,

Avance plus vite

Et tourne toujours.

.

5-La toutes les belles,

Dansent de concert,

Et les Demoiselles,

Et les Pastourelles,

Comme sœurs jumelles,

S’élancent en l’air.

.

6-Avant qu’on achève,

Chaque Catalan,

D’un bras plein de sève,

Balance et soulève,

Sa belle et l’enlève,

D’un air triomphant.

.

7-Puis on recommence,

Chacun à son tour,

Dans la ronde immense,

S’égaie et se lance,

Puis enfin la danse

Cesse avec le jour.

.

8-Baill espardagnettes,

Jamais n’oublierais,

Et pour vous je souhaite,

Que cent ans fillette,

Nous voyons la fête

De la saint André[1].

Cette chanson populaire, dont il ne subsiste que le texte, date de la première moitié du XIXe siècle. Le baill, gallicisme tiré du catalan, se traduit par bal populaire. Les instruments étaient formés par quelques hautbois, une cornemuse et un flaviol formant une cobla de Joglars. Les danses de cette époque sont les courandes (sorte de farandole), la sacadille, le contrepas qui s’achève par le saut roussillonnais où le danseur soulève sa cavalière. Le quadrille, ou contredanse, fait son apparition à la fin des années 1830.


[1]              Archives municipales de Perpignan, fonds de Gonzalvo.

La griseta i el trabucaire, el primer clip del TCR.

Produït per : Le Temps du Costume Roussillonnais (El Temps del Vestit Rossellonès)

Escenari i realització : Laurent FONQUERNIE

Imatges : Stéphane ESTEVE i Luc Olivier TOURE

Actors principals : La Griseta : Amélie JEGOU Abdó el trabucaire : Nathan BARUS La millor amiga de la Griseta : Hermine du LAC La florista : Ludmilla POLIAKOVA

Els figurants : Véronique FABRE, Michele FLORENCE, Laurent FONQUERNIE i Jacques FORCADE, Ying i Michel GAILLARD, Ferréol GALAN, Marie-Christine GIRAUD, Mathilde RAVET, Marthe TEIXIDO i José VERGES.

Vestits del taller de costura del TCR.

Música : « Plenum », Carilló de la catedral de Perpinyà. « La minyona del Rosselló » / « Corrandes occitanes », Toni GIMÉNEZ ( www.tonigimenez.cat)

Agraïments : -La Vila de Perpinyà, l’Institut du Grenat per la cessió de les joies, la classe d’art dramàtic del Conservatori regional « Montserrat Caballé », el restaurant « le 17 », Miquel-Àngel FLORES ABAT i M. GELIS. Agraïment especial a Toni GIMÉNEZ Endavant les atxes!

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